Oh Henri !

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Henri Henri prendra enfin l’affiche vendredi prochain, le 7 novembre. « Enfin » parce que le long métrage suscite la curiosité depuis déjà plusieurs semaines grâce à sa lumineuse bande annonce largement partagée sur le Web. Sortant des sentiers battus, du moins dans notre paysage cinématographique, cette première réalisation de Martin Talbot, connu en télé pour la série Les Parent, se démarque par son atmosphère féérique et ses images colorées rappelant invariablement le travail de Jean-Pierre Jeunet sur Le Fabuleux Destin d’Amélie Poulain.

Scénariste et auteur de nombreux courts métrages depuis une quinzaine d’années, pour son premier long métrage, Martin Talbot affirme avoir été inspiré par l’existence d’un relampeur qui travaillait à Place Ville Marie à Montréal, un employé chargé exclusivement de l’entretien de tous les luminaires. L’idée germa et se développa autour d’un orphelin qui depuis l’enfance change les ampoules, un jeune homme solitaire qui possède le don de mettre de la lumière dans la vie des gens et qui tombera amoureux d’une guichetière. En entrevue plus tôt cette semaine, Martin Talbot décrira ainsi son film : « Henri Henri, c’est un conte, une sorte de fable qui fonctionne avec de nombreuses métaphores associées à chacun des personnages. Ce que j’aime faire, c’est jouer sur le drame pour aller faire ressortir le comique de certaines situations. »59_008bright

Fort d’une galerie de personnages hauts en couleur entourant Henri et profitant de décors et de costumes aussi beaux que surannés, le film ne peut éviter la comparaison avec Amélie Poulain. Pourtant, Martin Talbot affirme avoir avant tout comme première influence les œuvres des années 60 de Jacques Tati et surtout celles de Jacques Demy, comme Les Demoiselles de Rochefort. Dans le rôle principal d’Henri, Victor Andrés Trelles Turgeon (Le Torrent) se démarque par son naturel attachant, sa candeur et sa fragilité. « Pour Victor, le danger était de tomber dans la caricature lors du tournage. On a même enlevé certaines scènes pour éviter d’en faire un clown, et aller plutôt vers le style de Buster Keaton. Le danger, c’était aussi de faire de la caricature alors que je voulais toucher les gens avec cette histoire dramatique, c’est le drame de la solitude, c’est celui de vieillir sans laisser de traces », de préciser le réalisateur.

Film de genre conçu pour tous, Henri Henri ne ressemble à aucune autre œuvre de fiction québécoise. Par son originalité, on peut craindre qu’il peine à rejoindre son public lors de sa sortie en salle, alors qu’à l’inverse, son récit audacieux et rassembleur a tout pour séduire les spectateurs de tous âges. Et même si ce premier long métrage de Martin Talbot a ses imperfections, on peut quand même lui attribuer de nombreuses étoiles pour le jeu de ses interprètes, la qualité de sa direction artistique et sa mise en scène flamboyante. Des étoiles qui, en novembre, éclaireront pour 90 minutes de petit bonheur le mois des morts.

Grâce fraternelle

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Surfer sur la grâce. Réalisation, David B. Ricard.

Surfer sur la grâce, c’est le titre d’un documentaire intrigant qui devrait être lancé au courant de  l’année 2015. Réalisé par David B. Ricard, originaire du Bic. mais résidant à Québec depuis près de 25 ans, le film s’intéresse à l’univers de la planche à roulettes (skateboard) et à ceux qui pratiquent ce sport popularisé dans les années 70 sous le nom de rouli-roulant.

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David et Louis Ricard. Crédit photo, Léo Lecours-Pelletier.

Après des études en cinéma au Cégep Garneau et à l’Université de Montréal, David B. Ricard s’est lancé dans le court métrage, apprenant son métier de réalisateur en faisant de la caméra, du montage et du son au fil des différents projets qui, format court oblige, ne lui donnaient jamais assez de temps pour développer à son goût ses propres idées et scénarios. Se lancer dans un projet de long métrage allait donc de soi, tout comme le fait de se diriger vers le documentaire comme il le précise : « Surfer sur la grâce est né de deux passions : la mienne pour le cinéma et l’autre, celle de mon frère Louis, qui pratique le skateboard et qui, plus jeune, voulait tout le temps que je filme ses cascades. »

« Plus tard, grâce à son talent, Louis s’est fait un nom dans le milieu lors des compétitions de slalom, et il avait besoin d’être filmé pour ses commanditaires. C’est à ce moment-là, en captant des images de mon jeune frère pratiquant son sport que j’ai été marqué par cet état de grâce que les sportifs atteignent pour se dépasser, cet état qu’ils appellent la zone, le moment où l’athlète passe par-dessus la douleur et le stress et réalise de grandes performances », d’ajouter le nouveau documentariste. Louis Ricard, de par le sport qu’il pratique, doit atteindre cette zone très rapidement, car ses performances durent parfois quinze secondes maximum. Capter ces moments devenait la raison d’être du documentaire et le projet, avec cet aspect plus mystique, rejoignait ainsi les intérêts philosophiques de David, lui qui avait d’ailleurs étudié aussi dans cette branche, la philo, à l’Université de Montréal.

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Surfer sur la grâce. Crédit photo, Philémon Goulet.

Filmé au cours des cinq dernières années, Surfer sur la grâce a coûté jusqu’ici 25 000$ à David B. Ricard pour la location et l’achat d’équipements de tournage. Entouré d’une petite équipe, il s’est même acheté une voiture afin de suivre son frère lors de compétitions au Québec et en Ontario, interrogeant plusieurs spécialistes et athlètes qui allaient le nourrir tout au long de l’aventure. « Au fil du processus, je me suis intégré comme protagoniste. On me voit dans de nombreuses scènes en train de discuter avec mon frère, C’est là que le documentaire, au départ plutôt sportif, devient vraiment philosophique et offre une réflexion sur la vie », d’expliquer le réalisateur de 29 ans. Plus le projet avançait et plus son frère Louis s’est laissé prendre au jeu et a alimenté par lui-même les discussions avec son frangin.

En 2015, David B. Ricard entend lancer son film dans les différents festivals, ceux dédiés aux documentaires ou ceux consacrés aux films de sport. Aidé par Spirafilm, il a hâte de le présenter à Québec et ailleurs. Pour l’aider à terminer la post-production du long métrage (étalonnage, mixage, sous-titrage), il s’est inscrit à la plate-forme de financement participatif Kickstarter. La campagne de donation se terminera le 11 novembre prochain. Sur un objectif de 15 000 $, déjà près de 6 000 $ ont été amassés. La production d’un film, c’est aussi une forme de sport!

https://www.kickstarter.com/projects/861082642/surfer-sur-la-grace-surfing-on-grace

 

L’amour pour un film parfait

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Y a de ces films qui semblent être conçus pour soi, qui sont des coups de cœur bien personnels. Des œuvres dont l’histoire nous touche sans trop savoir pourquoi. Des comédiens qui nous charment au plus haut point parce que partie prenante d’un récit qui nous bouleverse, nous émeut ou simplement nous divertit de A à Z. L’AMOUR EST UN CRIME PARFAIT est justement le film qui m’est destiné, qui semble avoir été réalisé selon mes goûts personnels et pour mon seul plaisir égoïste.

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Rolex Learning Center, Lausanne, Suisse

Blague à part, cette toute dernière réalisation des frères Larrieu prend finalement l’affiche au Québec après sa sortie française en janvier. Et, je vous en conjure, il faut profiter illico de cette chance unique de voir en salle ce long métrage hitchcockien doté d’un humour noir ravageur et d’images tout à fait magnifiques. Avec ce film, les frères Larrieu (Peindre ou faire l’amour) adapte Philippe Djian et son roman Incidences dans un décor de rêve situé à Lausanne, une ville ceinturée des Alpes suisses, bordée par le lac Léman et magnifiée par la présence sur ses terres du Rolex Learning Center, véritable chef-d’œuvre d’architecture contemporaine.

 

La distribution, elle, est des plus séduisantes. Dans l’un de ses meilleurs rôles, Mathieu Amalric (vu récemment chez Polanski, La Vénus à la fourrure), est entouré de Karin Viard, Sara Forestier, Maïwenn et Denis Podalydès, tous prenant un malin plaisir à évoluer dans ce polar macabre, parfois déjanté, parfois tordu, et surtout enfumé puisque les protagonistes (surtout Marc, l’enseignant joué par Amalric) fument clope sur clope dans presque toutes les scènes. images

L’AMOUR EST UN CRIME PARFAIT aurait pu s’intituler Le Règne de la beauté tellement ses décors, naturels et architecturaux, nourrissent cette histoire singulière, celle d’un prof de littérature, séducteur invétéré, qui charme autant ses étudiantes qu’une belle-mère éplorée, mais dont le somnambulisme le mène à sa perte. Avec ce long métrage, les frères Larrieu n’inventent rien, certes. Mais ils maîtrisent avec un plaisir malicieux les codes du film noir, tournant des scènes aux dialogues brillants et des séquences à la fois surréalistes et amusantes tout en maintenant le suspense jusqu’à la toute fin. Bref, vous ai-je dit que ce film était pour moi ? Heureusement, j’accepte de le partager, en espérant que vous trouviez vous aussi ce film parfait.

Québec-France: un calendrier synchronisé ?

On déplore depuis longtemps le manque de synchronisation, entre la France et le Québec, pour la sortie en salle ici des films en provenance de l’Hexagone. Lorsqu’un long métrage français ou européen prend l’affiche en France, il faut souvent attendre de 4 à 6 mois avant que le distributeur québécois, possédant les droits du film en question, décide de le sortir sur grand écran. Certains titres arrivent même dans nos cinémas avec un an de retard depuis leur lancement officiel dans le cadre de festivals prestigieux se déroulant à Cannes, Berlin ou Venise. Et pour illustrer ce phénomène déplorable, nul besoin de revenir sur le célèbre et pathétique cas de Mesrine dont les deux volets, lancés en 2008, en France, sont arrivés au Québec, en 2010, avec presque deux ans de retard.

Des chicanes de producteurs, de distributeurs et de territoires sont souvent à l’origine du problème de décalage entre les dates de sorties d’un continent à l’autre. Les Américains négocient fréquemment des conditions de lancement pour l’ensemble de l’Amérique du Nord, des conditions auxquelles doivent aussi se plier les petits distributeurs478970 québécois. Pour nos voisins du Sud, sortir un film de François Ozon ou de Jacques Audiard 6 mois après la sortie française ne représente pas un danger pour leur rentabilité de distribution surtout que ces films sont destinés à un réseau de salles alternatives surtout situées à New York et Los Angeles. Au Québec, le marché étant fragile et le téléchargement illégal de plus en plus utilisé, l’idée de sortir le film rapidement, voire en même temps que le reste de l’Europe, devient légitime et essentiel. Il faut profiter des échos médiatiques associée à une œuvre remarquée dans un festival, plébiscitée par les critiques étrangères ou encore connaissant un succès monstre aux guichets.

En jetant un coup d’œil aux projections de sorties en salle cet automne, la donne est peut-être en train de changer. Malgré quelques exceptions comme La Belle et la bête, ou le formidable film des frères Larrieu, L’Amour est un crime parfait, à l’affiche en octobre mais sortis voilà plus de 9 mois en France, plusieurs titres seront lancés en même temps des deux côtés de l’Atlantique. Ce sera le cas pour Tu veux ou tu veux pas, comédie mettant en vedette Sophie Marceau et Patrick Bruel (en salle ici avec seulement une semaine de décalage), pour The Search, du réalisateur de The Artist (prévu en novembre) et pour Mille fois bonne nuit, long métrage avec Juliette Binoche (qui sortirait au Québec, chose rare, avant sa sortie parisienne). Hippocrate avec Jacques Gamblin, 3 Coeurs avec Benoît Poelvoorde, Geronimo de Tony Gatlif  et Gemma Bovery avec Fabrice Luchini seront quant à eux lancés au Québec avec quelques semaines de retard seulement.

Cette stratégie de mise en marché, à mon sens, doit être encouragée et appliquée systématiquement afin de s’adapter au marché actuel qui s’abreuve à l’instantanéité de la consommation culturelle. L’ensemble des distributeurs et exploitants de salles du Québec qui ont à cœur le cinéma étranger devraient impérativement sortir les films une fois leur vie en festival terminée afin de profiter au maximum du « buzz » comme on dit si bien au Québec. Car si Yvon Deschamps remontait sur scène avec un monologue s’attardant à la consommation de films en 2014, il nous dirait sûrement : « On veut pas le savoir que le film existe, on veut le vouère! »