Manifestes sur la violence
Deux drames sociaux poignants sur fond de revendications politiques et culturelles prennent l’affiche au Clap presque simultanément. Ces deux films de fiction portent sur les actions violentes commises voilà des années par de jeunes membres de groupes politisés et radicaux. L’un, Après la guerre, est une coproduction franco-italienne qui relate les déboires d’un ex-terroriste italien, terré depuis vint ans en France où il a élevé sa fille. Son passé le rattrape, il craint maintenant d’être extradé puis jugé. Il décide alors de prendre le large à nouveau, forçant son adolescente à le suivre. Signé Annarita Zambrano, Après la guerre est un film touchant et sobrement mis en scène autour de personnages qui ont tout à perdre face aux événements auxquels ils sont confrontés.
Le second s’intitule Une vie violente. Chose rarissime, le film est d’origine corse comme son réalisateur, Thierry de Peretti, qui était récemment de passage au Québec à des fins de promotion. Son long métrage décrit le parcours de Stéphane, un ex-militant corse nationaliste exilé à Paris. Il reviendra sur l’île pour les funérailles d’un ancien compagnon d’armes, se remémorant du même coup ses années au sein d’un groupuscule révolutionnaire pour lequel il menait des actions qui lui vaudront les représailles de la mafia locale.
En entrevue, Thierry de Peretti confirme lui aussi mener une lutte, celle pour que le cinéma corse existe. Un combat qu’il mène plus sagement que ses personnages en compagnie d’une bande d’amis au cœur d’une coopérative de cinéma située en Corse bien sûr. Son cinéma puise au thème du territoire, chose encore trop rare dans le cinéma français. Corse d’origine, c’est sa propre culture qu’il espère faire connaître avec ses œuvres. « Je fais des films pour répondre à des questions que je me pose, pour saisir une époque et un lieu, faire des films d’archives en fiction pour en finir avec toutes ses idées reçues et un certain folklore associé à la Corse », précisera-t-il.
Fier de ses origines, le cinéaste, qui était déjà passé par le TNM voilà plus de 10 ans à titre de metteur en scène, confirme que le cinéma italien engagé des années 70 fait partie de ses références tout comme celui de Fassbinder. Il avait à cœur d’empoigner politiquement les choses comme le faisait le cinéma de Francesco Rosi à cette époque ou encore Pasolini, mais de façon plus poétique évidemment. En Corse, de Peretti bénéficie de l’aide d’artisans aussi passionnés que lui, mais aussi de la population locale qui lui facilite la vie lors des tournages. L’entraide est au centre de cette micro-industrie locale qui s’inspire beaucoup, dira-t-il, de celle de la danse en Flandre : petite, audacieuse et étonnamment créative.
Une vie violente et Après la guerre sont des longs métrages où la violence sert de décor à des histoires tragiques, des parcours de jeunes idéalistes qui ne peuvent que mal se terminer. Cela dit, ces films sont aussi des œuvres utiles, car ils portent en eux deux messages nécessaires : celui de l’inutilité de la lutte armée et celui de ne pas tomber dans le combat identitaire. À titre d’exemple, le réalisateur corse affirme craindre les mouvements nationalistes et identitaires de droite du nord de l’Italie et de la Catalogne. « Il faut résister culturellement, mais pour de bonnes raisons », de conclure celui qui prépare à la fois une série télé et un long métrage autour du trafic international de drogues avec un ancrage corse, bien entendu.