Faisons fi des incertitudes actuelles concernant les dates de sorties en salle des titres américains (Cruella et Spiral : The Book of Saw notamment) et portons notre attention sur quelques fort beaux choix de films québécois (avec en ajout Les Vieux Chums et Le Miroir) et internationaux qui seront lancés en mai. Voici dix longs métrages à voir en salle alors que le printemps se pointe au grand écran!
1- Nomadland : Ce film de Chloé Zhao, réalisatrice du très beau The Rider, est l’un des grands favoris de la prochaine cérémonie des Oscars. Frances McDormand y joue le rôle d’une femme qui erre à travers les États-Unis à bord d’une camionnette en guise de domicile sur 4 roues, rencontrant au passage des dizaines de désoeuvrés de l’Amérique profonde. Un long métrage contemplatif et humaniste à ne pas manquer!
2- Les Trois Accords Live dans le plaisir : Un peu à la manière, toute récente, des Cowboys fringants, le groupe québécois de rock-punk-pop absurde accouche lui aussi d’un film musical qui devrait ravir leurs fans de tous âges.
3- Le Dernier Nataq : Ce documentaire de Lily Marcotte s’intéresse à l’oeuvre de Richard Desjardins (chansons et films) et au lien unique qui l’unit à son territoire abitibien et surtout à la ville de Rouyn-Noranda.
4- Hors normes : Reda Kateb et Vincent Cassel incarnent deux hommes dévoués travaillant auprès de jeunes autistes en plein coeur de Paris. Inspiré d’une histoire vraie, cette comédie dramatique touchante est réalisée par le duo derrière Intouchables, Éric Toledano et Olivier Nakache.
5- Délicieux : Grégory Gadebois et Isabelle Carré jouent dans ce drame historique relatant les débuts de ce qu’on appelle aujourd’hui la restauration gastronomique. Gadebois interprète avec force un chef cuisinier passionné et innovateur qui prépare une douce vengeance face à un vil aristocrate snobinard.
6- Les Choses qu’on dit, les choses qu’on fait : Emmanuel Mouret explore à nouveau les relations amoureuses avec sa nouvelle création mêlant habilement discours de séduction et remises en question amoureuses à la façon d’un marivaudage distingué. Niels Schneider, Camélia Jordana et Vincent Macaigne s’y croisent.
7-En tête de ligne : Le film dresse un fort beau portrait d’André Chagnon, l’homme derrière Vidéotron. Avec ses nombreux témoignages et ses images d’archives éloquentes, le documentaire nous ramène dans les années 60 et 70, lors de l’éclosion du phénomène de la câblodistribution.
8- Mortal Kombat : On laisse notre cerveau au vestiaire et on se croise les doigts pour que cette relecture du populaire jeu vidéo, mêlant science-fiction et arts martiaux, soit aussi divertissante (et aussi franchement kitsch) que l’original lancé en 1995.
9- Nulle Trace : Simon Lavoie est un cinéaste radical fort doué et au parcours singulier. Ici, il réalise un film post-apocalyptique tourné en noir et blanc sur les rails du chemin de fer charlevoisien. Une femme tente de survivre solitairement dans un monde cruel jusqu’à sa rencontre avec une jeune mère en fuite.
10- Un coin tranquille 2 (A Quiet Place Part 2) : Voici la suite tant attendue d’un des plus gros succès du cinéma d’horreur des dernières années. Les cris de peur, c’est dans la salle qu’ils se feront entendre puisque le drame se base sur le silence des protagonistes comme mode de survie face aux créatures voraces qui envahiront l’écran.
Le film de Jean-Paul Salomé, La Daronne, vient de prendre l’affiche au Québec. Dans cette comédie policière, Isabelle Huppert joue le rôle de Patience Portefeux, une traductrice parlant arabe et travaillant pour l’escouade des stupéfiants de la police. Patience profitera de son talent d’interprète pour faire un coup d’argent lié à une énorme livraison de drogue. À ses côtés, on retrouve Hippolyte Girardot qui joue Philippe, son amoureux, aussi haut gradé de la brigade. Pour les deux acteurs, il s’agit de retrouvailles, eux qui avaient formé un couple torturé dans Après l’amour de Diane Kurys, sorti en 1991 au Clap. Rencontre avec un acteur talentueux, qui a connu un début de carrière fulgurant, que l’on a un peu perdu de vue, et qu’il fait bon retrouver.
Le Clap : Hippolyte, parlez-moi de votre personnage dans cette transposition d’un récent roman à succès de l’écrivaine Hannelore Cayre.
Hippolyte Girardot dans La Daronne.
Hippolyte Girardot : Quand on m’a approché pour jouer le personnage de Philippe, le commissaire de la brigade des stups, je n’avais pas lu le livre, et je préférais ne pas le faire à ce moment. Ça me permettait de partir de zéro, ou du moins, seulement du scénario. Mon personnage, c’est un clown blanc par rapport à Patience jouée par Isabelle. Il est un peu naïf, mais pas trop et il l’aime beaucoup. Cela dit, l’adaptation est très fidèle. L’auteure a d’ailleurs participé au scénario.
Le Clap : Vous connaissiez le réalisateur, Jean-Paul Salomé?
HG : Un peu. Jean-Paul, il est très communicatif. Quand il m’a contacté, je voyais que je correspondais à l’image qu’il se faisait de Philippe. Le rôle du commissaire, c’est d’être l’amoureux de Patience et qu’on sente qu’il est intimidé par elle, comme on tente d’approcher un chat qui souvent possède un caractère imprévisible. C’était chouette à jouer!
Le Clap : Le terme daronne n’est pas très connu, du moins au Québec. On pourrait l’appeler la caïd. En anglais, le titre du film devient Mama Weed. Bref, ça implique un aspect comique, tout comme l’apport exotique de la communauté marocaine et chinoise dans cette histoire rocambolesque.
Hippolyte Girardot
HG : Oui, et comme cinéphile, je me suis posé la question sur la façon dont on allait montrer ces communautés à l’écran. En France, elles se sont regroupées pour mieux partager leurs cultures, leurs religions, leurs langues et c’est très normal. Dans le film, la filière marocaine, c’est véridique, c’est la plus grande filière de trafic de cannabis. Pour la communauté chinoise, ce qu’il faut savoir, c’est que le 13e arrondissement est devenu leur quartier. Les appartements étaient vides, les fonctionnaires ne voulaient pas y habiter. Ils ont redonné vie à ce coin de Paris. Cette communauté est d’ailleurs originaire d’un seul village chinois, c’est très particulier. Ils vivent dans un système communautaire presque autonome, et ça aussi c’est une réalité très parisienne. Le film ne stigmatise personne selon moi. Le cinéma, même une comédie, doit parler du réel et ne pas nous offrir une vision idyllique de la vie.
Huppert et Girardot dans Après l’amour.
Le Clap : Ce film vous permet de retrouver au grand écran Isabelle Huppert à qui vous avez donné la réplique voilà près de 30 ans dans Après l’amour. C’est une pointure Isabelle Huppert.
HG : Oh oui! Après le film de Diane Kurys, on s’est recroisés au hasard, mais sans jamais avoir la chance de rejouer ensemble. La retrouver comme camarade de jeu, c’est un grand plaisir. Son parcours d’actrice est tellement formidable. On pense au plaisir narcissique de se faire filmer, mais celui de retrouver des camarades de jeu, c’est une vraie joie et Isabelle n’a pas changé en 30 ans. Elle est concentrée sur ses scènes, elle maîtrise son jeu parfaitement. On est porté par son talent. Elle pense à la scène dans son ensemble et pas seulement à sa personne devant la caméra. Ses conseils sont aussi fort bienvenus sur un plateau.
Le Clap : La gloire est arrivée pour vous avec Un monde sans pitié en 1989. Les rôles se sont succédé ensuite à vitesse grand V. Vous étiez partout au cinéma. Et puis, vous êtes disparu du radar vers la fin des années 90 et on se demande un peu pourquoi.
HG : C’est vrai, j’ai disparu complètement. Durant cette période, mes choix de carrière étaient douteux, j’ai aussi dit non à des films que j’aurais dû faire. Si on parle de carrière, je crois que je voyais ça comme un jeu sans réelle stratégie. J’ai été paresseux, j’ai galéré pas mal aussi. Après, ça a été dur de remonter la pente. Mais ça m’a fait du bien ce recul. J’ai fait oublier le personnage de trentenaire débonnaire que j’incarnais souvent au cinéma. Je me suis renouvelé, du moins je le crois.
Le Clap : On vous a aussi revu dans des séries internationales comme Patrick Melrose et Occupied. Votre image dégage aujourd’hui une sorte d’autorité politique, policière ou autre, un peu comme Michel Bouquet en plus jeune.
HG : Ah merci. Vous savez, quand les Norvégiens m’invitent en tournage pour Occupied, difficile de dire non. Et quand je me retrouve dans Patrick Melrose avec Irène Jacob et Benedict Cumberbatch, c’est un véritable cadeau pour un acteur.
Le Clap : En terminant, votre fille a suivi vos traces. C’est une actrice bien en vue en France actuellement. A-t-elle profité de vos conseils comme comédienne?
Ana Girardot
HG : Ana est une enfant de la balle. Elle a donc vu ses parents dans la galère, dans la gloire, sur des plateaux. Elle a saisi rapidement la fragilité de ce métier. Elle ne se fait pas d’illusion et son image, si elle passe bien à la caméra, elle sait qu’elle ne la contrôle pas totalement. Mais pour le reste, elle est éclairée et très lucide. Sa meilleure éducation, ça a été d’être témoin, très jeune, du métier que sa mère et moi pratiquions. (N.D.L.R. la mère d’Ana est l’actrice Isabel Otero)
En bonus, voici en résumé ce qu’Isabelle Huppert et le réalisateur Jean-Paul Salomé ont à dire de La Daronne.
Isabelle Huppert : C’est un film qui a beaucoup d’humour, mais c’est surtout un beau portrait de femme qui touche aussi au drame sociologique, à ce qui se passe dans un quartier de Paris. Elle travaille pour la police, mais on verra vite qu’avant tout, c’est une femme libre. Dans tout film comique, il y a du tragique et vice versa. Dans ma carrière, j’aime alterner les rôles dramatiques et plus comiques, bref me retrouver dans des genres très différents d’un projet à l’autre.
Jean-Paul Salomé : L’intérêt du film, c’est qu’on ne peut dire comment cette histoire va se terminer tellement Patience est imprévisible. Le roman est formidable, car il montre le Paris d’aujourd’hui à travers une pluralité d’origines, dont la communauté chinoise. Ça nourrissait le polar. Quand on m’a proposé de faire le film, j’ai pensé tout de suite à Isabelle pour le rôle de Patience. Mais même avec la présence d’Isabelle au générique, c’est difficile de monter financièrement un film. Cette comédie sort un peu du cadre habituel de la comédie française très légère et basée sur une recette éprouvée.
La Daronneprend l’affiche en salle au Clap dès le 5 mars. Cette entrevue a été réalisée sur invitation, dans le cadre de la 22e édition des Rendez-vous du cinéma d’UniFrance 2020, à Paris.
Oublions les soirées des derniers mois à visionner des films dans notre salon, et retournons en salle avec dix films à voir en mars, le mois de la résurrection des cinémas québécois et, on l’espère, de la fin du couvre-feu. Les prochaines semaines verront débarquer au grand écran un bon nombre de longs métrages dont la dernière comédie d’Albert Dupontel, Adieu les cons, le drame éthéré La Nuit venue se déroulant dans un Paris nocturne, la nouvelle réalisation de Philippe Falardeau, My Salinger Year, la coproduction irlando-québécoise, Mort d’un séducteur, avec Antoine Olivier Pilon et Suzanne Clément, La Nuit des rois, un conte carcéral de la Côte d’Ivoire aussi coproduit avec le Québec, Raya et le dernier dragon de Disney et le possiblement le drame de science-fiction Chaos Walking, avec Tom Holland. Mais bref, voici les dix longs métrages à voir en priorité durant le mois qui annonce le printemps de la renaissance pour le cinéma en salle.
1- Promising Young Woman (Une jeune fille pleine de promesses) : Carey Mulligan est épatante dans le rôle d’une femme qui désire se venger des prédateurs sexuels avec une tactique assez téméraire. Hantée par l’expérience atroce subie par une amie d’université, son personnage devient le porte-étendard d’un film engagé, féroce et provocateur.
2- Druk (Alcootest) : Mads Mikkelsen, égal à lui-même, se distingue dans ce drame danois original signé Thomas Vinterberg (La Chasse), dans lequel des copains enseignants retrouvent en classe une énergie disparue grâce à une consommation éthylique matinale.
3- Godzilla vs. Kong : Gros monstres, gros effets spéciaux, grosses attentes aussi pour cette rencontre au sommet entre deux bêtes mythiques du grand écran. Que dire de plus sinon que le pop-corn se doit d’être vendu légalement sur place lors de la sortie.
4- La Daronne : Isabelle Huppert, toujours aussi talentueuse, joue Patience Portefeux, une traductrice qui travaille pour la police et qui décide de faire un coup d’argent en mettant la main sur une grosse quantité de stupéfiants tout en se faisant passer pour une mystérieuse caïd. Une comédie printanière appropriée, qui marque les retrouvailles au grand écran de l’actrice et d’Hippolyte Girardot, tous deux formidables dans Après l’amour.
5- Falling (Chute libre) : Viggo Mortensen réalise et joue dans ce long métrage portant sur la relation tumultueuse entre un père et ses deux enfants. Des souvenirs douloureux refont surface au moment où le paternel aigri voit sa santé péricliter et que son fils et sa fille désirent le rapatrier près d’eux en Californie, bien loin du ranch où il a toujours vécu.
6- Errance sans retour : La situation catastrophique de centaines de milliers de Rohingyas, entassés dans un camp au Bangladesh car exilés de leurs terres situées au Myanmar, est ici dépeinte avec sensibilité par les documentaristes de Québec, Mélanie Carrier et Olivier Higgins, et par l’oeil averti du photographe Renaud Philippe.
7- Calamity, une enfance de Martha Jane Cannary : Du même réalisateur que Tout en haut du monde, ce beau et divertissant dessin animé redore le blason d’une femme téméraire du mythique Far West, personnage popularisé grâce aux BD de Lucky Luke.
8- Félix et le trésor de Morgäa : Made in Quebec City, ce nouveau film d’animation de 10e Ave Productions devrait séduire les tout-petits avec son récit d’aventure se déroulant sur une île mystérieuse alors que le jeune Félix, avec l’aide d’un vieux loup de mer, tente de retrouver son père disparu.
9- Slalom : Cet excellent et troublant premier long métrage de Charlène Favier se penche sur la relation toxique entre un entraîneur et l’une de ses jeunes skieuses lors de la saison des compétitions de ski alpin. Jérémie Renier et Noée Abita sont renversants dans les rôles principaux et le film a le mérite de dénoncer un phénomène sur lequel encore bien des gens ferment les yeux.
10- Antoinette dans les Cévennes : Laure Calamy donne la réplique à un âne dans cette comédie réjouissante de Caroline Vignal. La comédienne incarne Antoinette, une femme amoureuse qui veut retrouver son amant parti en voyage familial dans les montagnes des Cévennes. Évidemment, rien ne se passera comme prévu.