Alors qu’on vient de dévoiler la programmation montréalaise de Vues d’Afrique, il faut se rappeler à quel point les sorties en salle de films d’origine africaine au Québec sont rarissimes. Il y a bien eu récemment Timbuktu, puis, vendredi passé celle du film Des étoiles réalisé par Dyana Gaye. Ce sera possiblement les deux longs métrages émanant de ce continent à prendre l’affiche ici cette année.
Avec Des étoiles (coproduction franco-sénégalaise), Dyana Gaye, née à Paris d’un père sénégalais et d’une mère française, réalise son tout premier long métrage, et ce, après avoir conçu de nombreux courts au fil des dernières années. Rencontrée à Paris pour donner des détails sur sa plus récente réalisation, la cinéaste confirme que malgré son origine française, on la voit avant tout comme une artiste sénégalaise. Il faut cependant avouer que ses racines prennent une forte place dans son œuvre puisque Des étoiles raconte le parcours de Sophie, une jeune femme qui quitte le Sénégal pour retrouver son mari Abdoulaye à Turin, ne sachant pas que ce dernier est parti trouver du travail à New York. On y suit également, dans un cheminement inverse, Thierno, un jeune homme qui se retrouve dans le pays de ses ancêtres, peu familier avec les traditions et le mode de vie sénégalais. « J’adore les films choral, les histoires multiples », de préciser Dyana Gaye. « J’avais envie de parler de la vie à Dakar, de parler à travers la voix d’une femme, celle de Sophie qui part pour l’Italie ».
Quand on lui demande pourquoi elle a choisi Turin plutôt que Paris comme destination pour son personnage, Dyana Gaye confirme que la ville italienne est devenue une véritable terre d’accueil pour les immigrantes de tous les pays depuis plusieurs années. « Il y a une très forte immigration féminine là-bas. On y retrouve des travailleuses en provenance d’Europe de l’Est, d’Afrique de l’Ouest, d’Amérique du Sud. Ces exilées exercent des métiers de femmes si je peux permettre, des aide-ménagères, des femmes qui s’occupent des personnes âgées et, évidemment, celles qui hélas finissent prostituées ».
Incarner les migrants autour de figures féminines fortes et raconter tout simplement la diaspora sénégalaise, voilà les buts que s’était fixés la cinéaste qui précise du même coup : « Y a aussi les voyages de retour que je voulais montrer, la quête de ceux qui veulent voir leur pays d’origine, retourner en Afrique sur la terre de leurs ancêtres. Le Sénégal, c’est bien sûr lié à mes propres origines, mais mon film aurait aussi pu mettre en scène des Indiens ou des Colombiens dans un contexte similaire. Le principal, c’est l’idée de circulation, de migration humaine, de cohabitation des cultures.
Dyana Gaye qui a travaillé avec plusieurs acteurs non professionnels pour la fraîcheur qu’ils apportent à sa mise en scène, s’attriste de constater que l’industrie du cinéma au Sénégal est presque morte et enterrée. « C’est dramatique, y a même pas un film par an qui se réalise là-bas. Le Sénégal a fourni de l’aide logistique pour la coproduction et symboliquement le pays était intéressé à la réalisation du film, mais il n’y a plus de salles pour le présenter. Des étoiles a été présenté à la télé là-bas, devant une forte audience, car le cinéma comme tel n’existe plus. Les gens regardent les films à la télé. On touche alors à un large public, mais qui ne se déplace plus pour voir les œuvres », d’affirmer la réalisatrice.
Si la sortie en salle au Québec d’un film racontant ce type d’histoire relève de l’exception, Dyana constate qu’en France son long métrage a été reçu comme un film typiquement sénégalais, une œuvre portant uniquement sur l’immigration africaine. « Comment éviter ce regard très français, d’être toujours ramené à mes origines? On ne sait pas où me ranger, car je ne fais pas partie d’un courant, donc on me ramène inévitablement à mon origine africaine, c’est une case inévitable », dira-t-elle. « Positionner mon travail dans un marché global, c’est plutôt difficile, donc on ramène le tout à la géographie. Mais, avec mon prochain film, même s’il se passe entre le Sénégal et la Louisiane, je tenterai d’apporter un autre regard sur ma création, car ce film prendra la forme d’un carnet de voyage très musical », de conclure cette artiste pleine d’espoir.
Les frais de ce voyage ont été payés par UniFrance.