Ainsi donc, Dustin Hoffman en a marre du cinéma, comme spectateur du moins. Loin de moi l’idée de fermer les yeux sur les problèmes qu’éprouve de façon générale l’industrie du cinéma, mais la réelle déception de Dustin Hoffman envers un art qui le fait toujours vivre m’a un peu fait sourciller. L’acteur, vu récemment dans Boychoir, plus récent film de François Girard, a déclaréce qui suit en entrevue au quotidien britannique The Independant : « Je trouve qu’en ce moment, la télévision atteint son meilleur niveau, alors que les films atteignent le pire depuis 50 ans, depuis que je fais du cinéma ». Une phrase qui, sortie de son contexte ou non, mérite qu’on s’y attarde.
S’il est vrai que le milieu télévisuel, surtout américain et britannique, ne manque vraiment pas d’audace depuis une dizaine d’années, j’ai l’impression que Dustin Hoffman ne fait pas preuve d’une grande curiosité de cinéphile lorsqu’il parle de cette façon, embrassant de façon très générique la production de films. A-t-il seulement vu La Vie d’Adèle, Whiplash, Birdman, Winter Sleep, Dallas Buyers Club, L’Inconnu du lac, Under the Skin, Saint Laurent, Blue Ruin, Mud, The Most Violent Year, la refonte de Mad Max, Mommy ou Félix et Meira (ce dernier venant de connaître un beau succès à New York)? A-t-il vu ces films qui font preuve d’une grande qualité souvent bonifiés d’une audace visuelle, mais qui surtout misent sur des scénarios formidables mis en scène par des réalisateurs de talent? Probablement pas, ou si peu…
Mais la question se pose, la qualité des films en 2015 est-elle en baisse? Selon moi, sûrement pas. S’il y a lieu de s’inquiéter, c’est surtout du côté de la médiatisation des films, de l’uniformisation des blockbusters, de la production de longs métrages en série qui n’étonnent plus personne une fois les rideaux ouverts. Comment un film de qualité, produit à petit budget, peut-il aujourd’hui se démarquer à travers l’océan de titres qui inondent nos écrans, petits et grands? Ça aussi, c’est une problématique qui paraît inquiétante. La distribution et la diffusion peinent à imaginer des stratégies pour contrer ce phénomène alors que la durée de vie en salle d’un long métrage rapetisse d’année en année, que le marché du DVD s’effondre et qu’on s’interroge encore sur la façon de lancer une œuvre en VSD avec l’arrivée du géant Netflix qui monopolise l’attention.
La déclaration d’Hoffman me paraît également douteuse parce qu’elle rejoint celles de bon nombres d’artistes de sa génération qui n’arrivent tout simplement plus à suivre le courant créateur actuel. Des musiciens, des cinéastes, des écrivains de 60 ans et plus qui déplorent le trop grand nombre d’albums, de films, de livres sur le marché, et qui, en plus, osent souvent affirmer que « c’était bien meilleur avant et qu’il n’y a plus rien de bon actuellement ». Dustin Hoffman, comédien formidable s’il en est un (The Graduate, Marathon Man, Straw Dogs, Kramer vs Kramer) devrait se concentrer sur sa propre carrière, fortement en déclin depuis Rain Man, lui qui accepte depuis plus vingt ans de jouer dans de nombreux films alimentaires aux scénarios peu inspirés comme Sphere. Un mauvais film ne se fait pas sans comédiens.
Cela dit, on verra si Hoffman a fait un choix éclairé en acceptant de jouer dans The Program de Stephen Frears, un film relatant la vie du coureur cycliste Lance Armstrong dont la bande-annonce, que voici, vient d’être mise en ligne récemment et qui arrivera en salle d’ici Noël, période de l’année où les meilleurs films s’entassent sur nos écrans, et ce, bon an, mal an.