Un taxi pour deux !

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Montréal la blanche, c’est le titre du premier long métrage de fiction de Bachir Bensaddek. Le film prend l’affiche à Montréal et Québec le 18 mars. Le réalisateur de nationalité algérienne, à l’origine de plusieurs documentaires, était en visite à Québec cette semaine pour nous parler de sa fiction, tournée en plein hiver, la nuit, dans le grand Montréal alors qu’il faisait 25 sous zéro.

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Bachir Bensaddek, réalisateur

Attablé devant un thé, Bachir ouvre la conversation en relatant avec amusement une anecdote sur son prénom qui a inspiré celui du personnage de Monsieur Lazhar créé par Évelyne de la Chenelière pour sa pièce puis transposé au cinéma par Philippe Falardeau avec le succès que l’on connaît. À travers les multiples détails reliés à Montréal la blanche, Bachir Bensaddek souligne sa grande passion cinéphilique et son amour du cinéma québécois, surtout pour l’entière filmographie de Gilles Carle. Il ajoute : « Mes inspirations pour mon film, c’était un conte de Noël de Dickens et La Vie heureuse de Léopold Z de Gilles Carle pour sa façon de montrer l’hiver en ville. D’ailleurs, on ne parle pas assez de ses films. Carle, c’est un immense cinéaste, on n’a qu’à penser à Red, La Mort d’un bûcheron, La Tête de Normande St-Onge. La présence des musiciens dans le film, elle, vient de Lisbon Story de Wim Wenders, dans lequel il avait filmé le groupe Madredeus », de préciser le cinéaste.

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Rabat Aït Ouyahia

Voilà pour l’inspiration. Mais il faut aussi ajouter que Montréal la blanche, c’est avant tout une pièce de théâtre, la sienne, qui a déjà été jouée au Monument national. Pour sa version filmique, le cinéaste s’est préparé en s’installant dans un taxi durant le temps des fêtes pour apprécier l’atmosphère, côtoyant durant une soirée des gens éméchés qui reviennent de leurs partys de bureau. Pour transposer l’univers théâtral de sa pièce, il a aussi réduit le nombre de personnages, focalisant sur un axe dramatique qui allait mettre à l’avant-scène ses deux personnages principaux, tous deux exilés de l’Algérie, mais vivant au Québec des situations fort différentes. L’un, Amokrane est chauffeur de taxi;  l’autre, Kahina, est une ex-chanteuse pop, mère de famille, qui traverse une séparation conjugale douloureuse.

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Karina Aktouf

Montréal la blanche se déroule presque exclusivement dans le taxi conduit par Amokrane, nous laissant entrevoir une métropole enneigée comme toile de fond afin de laisser toute la place à des dialogues qui sonnent vrais et qui résument autant les parcours personnels très différents des deux protagonistes que le déracinement de ces âmes immigrantes d’origine algérienne. Quand on lui demande où il a trouvé ses acteurs principaux, Bachir, les yeux pétillants, nous résume ainsi ses trouvailles : « Mes deux comédiens n’étaient pas dans la pièce. J’avais besoin pour le film d’une actrice qui parle arabe et la seule au Québec qui pouvait le faire, c’était Karina Aktouf qui avait joué dans Jasmine à l’époque à la télé. Elle est inspirante et cinématographiquement tellement belle. Rabat Aït Ouyahia, lui, a travaillé sur un autre de mes films. Il a fait du rap, il a aussi joué dans L’Ange de goudron de Denis Chouinard et il avait le physique de l’emploi et la voix qui correspondait exactement à ce que je recherchais pour le rôle du chauffeur de taxi. Son visage parle de lui-même, il n’a pas besoin de parler ». Bachir Bensaddek a eu du pif, car ses deux acteurs sont tout à fait formidables. Sa direction est impeccable et elle contribue grandement à la crédibilité du récit qu’il met en scène.

On ne se la cachera pas, Montréal la blanche pourrait davantage connaître de succès à l’étranger. Même si l’hiver québécois sert de décor au film, l’histoire touchera sûrement davantage les expatriés algériens qui résident en France et l’ensemble des Maghrébins devenus Européens. D’ailleurs, l’accueil dans les différents festivals outre-Atlantique a été jusqu’ici très favorable. On ne peut que souhaiter à Bachir Bensaddek le même accueil pour sa sortie locale, lui qui, en conclusion de cet entretien, souligne être plus qu’heureux de l’ensemble de son long métrage et fier d’avoir réussi à faire vivre ses personnages. « Ils reflètent le drame que je voulais raconter, cette difficulté qu’ils ont à affronter la réalité ». Des personnages qui font de Montréal la blanche  une œuvre fort singulière dans le paysage du cinéma québécois.