Beaucoup de films fort intéressants prennent l’affiche vendredi prochain dont le drame passionnel Mon roi de Maïween, mettant en vedette Vincent Cassel et Emmanuelle Bercot et aussi l’incontournable et troublant Made in France de Nicolas Boukhrief. Ce dernier film, abordant le terrorisme, sort sur nos écrans en grande primeur, dans le sens où en France, à la suite des attentats du 13 novembre dernier, on a préféré avec raison annuler sa sortie en salle (prévue cinq jours plus tard), laisser retomber la poussière et l’offrir en VSD (vidéo sur demande) uniquement.
De passage au Québec pour faire la promotion de son sixième « long » qu’il a coscénarisé avec Éric Besnard, le cinéaste Nicolas Boukhrief (Le Convoyeur) avoue ne pas avoir été déçu que Made in France ne prenne pas l’affiche dans les cinémas puisque la situation l’ordonnait. La décision fut rapidement prise et l’option du VSD s’est imposée d’elle-même, les exploitants de salle craignant avec raison l’idée même de projeter une œuvre sur un sujet aussi chaud. Porté par le talent de ses interprètes, Malik Zidi (Gouttes d’eau sur pierres brûlantes) et Dimitri Storage (le Patrick Esposito des Colocs dans Dédé, à travers les brumes) en tête, le récit se penche sur l’enquête d’un journaliste qui infiltre une petite cellule de djihadistes en banlieue de Paris.
Bien que Made in France soit une fiction, il apparaît aujourd’hui comme un long métrage prémonitoire, et ce, encore plus depuis les informations que les médias relaient sur l’enquête sur le réseau terroristes djihadistes en France et en Belgique. Le réalisateur voulait, avec ce film, nous démontrer que malheureusement les terroristes actuels subissent un embrigadement plus sectaire qu’idéologique. « Ces jeunes, ils se font laver le cerveau. Ils n’agissent pas de façon lucide pour une cause », de préciser Boukhrief qui a planché durant plusieurs années sur son scénario. « Le processus de création a été long, surtout qu’il fallait ensuite convaincre les gens du milieu du cinéma de l’importance du sujet, et inévitablement, ça faisait peur, mais aussi, étonnamment, pour certains, il y avait une indifférence face au terrorisme, comme si cet univers était trop exagéré, trop invraisemblable », de dire celui qui tenait à ce que son film soit à teneur populaire afin de rejoindre le plus de jeunes possible. « Heureusement, je n’ai jamais douté de la sincérité et de l’utilité du projet. D’ailleurs, plusieurs œuvres semblent suivre cette voie et aborder de différentes façons le terrorisme en France, mais ce qui distingue Made Ii France des autres, c’est qu’il est au coeur de la cellule terroriste, il ne raconte pas l’histoire des victimes, de ceux qui subissent, mais de ceux qui deviennent des kamikazes », ajoute-t-il.
Le réalisateur espère que son film, dans l’absolu, puisse servir de sujet de réflexions chez les jeunes face à la propagande. En optant pour une approche qui relève du thriller, il croit pouvoir susciter la curiosité d’un jeune public peu friand de longs métrages trop intellectuels. Boukhrief tenait aussi à ce que son long métrage humanise ses personnages et s’éloigne des clichés d’usage souvent mis de l’avant dans les films d’action américains. En VSD, Made in France a eu du succès et a aussi rejoint beaucoup de jeunes à cause du piratage sur Internet. Les ventes à l’étranger vont aussi bon train et le Canada est le premier pays à le sortir en salle. Hélas, c’est un succès que l’équipe peut difficilement fêter, compte tenu du climat actuel de peur qui sévit en Europe.
Nicolas Boukhrief travaille présentement sur une nouvelle adaptation cinématographique du roman Léon Morin, prêtre (déjà adapté par Melville en 1961). Son film, relatant la relation entre une jeune veuve juive et un prêtre catholique durant l’Occupation, s’intitulera La Confession et mettra en vedette Romain Duris et Marine Vacht (Jeune et jolie de Ozon). Il prendra l’affiche « en salle » en 2017. D’ici là, sur grand écran, Made in France est à voir!