Le cinéma s’abreuve depuis fort longtemps d’œuvres littéraires. La tentation est toujours forte de transposer un bon récit ou un livre devenu mythique en objet cinématographique. Quelquefois ça fonctionne, d’autres fois moins. Le phénomène existe également ici même s’il y a beaucoup d’appelés et très peu d’élus.
Installé à Québec, Antoine Tanguay a lancé les Éditions Alto en février 2005. Plusieurs des romans qu’il a publiés ont vu leurs droits achetés par des producteurs désirant les transposer au grand écran. Voici ce qu’il avait à nous dire sur cette relation aussi vivante qu’ étrange entre les éditeurs de livres et les producteurs de films.
– Chaque année, y a de nombreux titres québécois qui intéressent les producteurs d’ici. Ces derniers prennent alors une option pour quelques milliers de dollars et obtiennent, pour un laps de temps de deux ou trois ans (renouvelable), les droits d’adaptation de l’œuvre.
– Habituellement, l’idée première, c’est de bâtir un scénario qu’on présentera à la SODEC dans le but de faire financer la production du film. Mais, comme tout le monde le sait, c’est très difficile car les projets sont nombreux et ne peuvent tous être financés. Un nombre infime se rendra jusqu’à l’étape du tournage.
– Le chemin habituel, c’est un producteur qui approche une maison d’édition pour l’achat des droits. Parfois, le réalisateur est déjà trouvé. Aussi, certains auteurs ont un agent pour tout ce qui concerne d’éventuelles adaptations, au théâtre, à la télé ou en film. Dans ces cas-là, l’éditeur n’a pas un mot à dire évidemment. De toute façon, une fois les droits cédés, l’éditeur et l’écrivain ont rarement un mot à dire sur la suite des choses et c’est normal, ce n’est plus entre nos mains.
– Chez Alto, des options ont été prises sur plusieurs titres. Podz a Le Christ obèse de Larry Tremblay en main, la maison de production micro_scope a l’option sur L’Orangeraie écrit aussi par Larry et cherche des partenaires européens pour lancer la production. Griffintown de Marie-Hélène Poitras est, de son côté, entre les mains d’Attraction Images, le scénario est d’ailleurs bouclé dans ce cas-là. L’un des premiers romans dont j’ai vendu les droits, c’est Du bon usage des étoiles de Dominique Fortier. Jean-Marc Vallée connaît bien l’auteure et a adoré le récit. Mais il veut faire quelque chose de gros avec cette histoire, donc, ça demande une grosse recherche de financement. En plus, actuellement, Jean-Marc a tellement de projets avec les Américains que je ne sais quand il se remettra à plancher là-dessus.
– On verra aussi en 2017 le nouveau long métrage de Louise Archambault (Gabrielle). Son film s’intitule Hope et s’avère l’adaptation de Tarmac de Nicolas Dickner. Puis, le roman traduit chez Alto, Les Frères Sisters de Patrick deWitt sera aussi lancé en salle, signé par Jacques Audiard et mettant en vedette Joaquin Phoenix et John C. Reilly (ce dernier ayant acheté l’option de départ). Dans ce dernier cas, je peux penser que les ventes du livre seront relancées à cette occasion comme Hurtubise a pu le faire avec Life of Pi.
– Il ne faut pas oublier dans tout ça que le cinéma, c’est une grosse machine comparé au milieu de l’édition. Souvent, on écrit « based on a novel » en petits caractères sur une affiche de film, alors il ne faut pas trop se faire d’histoire.
– Ce que j’aimerais dans le futur, c’est que le milieu de la télé, comme celui du cinéma, s’intéresse davantage à nos romans. J’y vois beaucoup de possibilités pour l’avenir. Mais bref, on verra bien!
Hormis les titres mentionnés plus haut, voici la liste de films québécois qui prendront l’affiche en 2016-2017 et dont le scénario est tiré d’une œuvre littéraire :
– Pieds nus dans l’aube (Félix Leclerc)
– La Chute de Sparte (Biz)
– Squat (titre d’origine Haine-Moi, Paul Rousseau)
– Ça sent la coupe (Matthieu Simard)
– Le Cas Sneijder (Jean-Paul Dubois)
– La Petite Fille aux allumettes (Gaétan Soucy)
– Et au pire, on se mariera (Sophie Bienvenu)