Depuis dix ans, on ne cesse de répéter que le cinéma tourne en rond, que l’inspiration semble manquer aux scénaristes des grands studios qui remâchent des récits qui se ressemblent tous. Les films de super-héros fabriqués en série, les remakes de longs métrages des années 80 qui abondent, les suites de suites qui dominent le marché américain, le mal ronge le septième art. Cette disette imaginative a permis d’affirmer haut et fort que les séries télé, celles en provenance du Danemark, des États-Unis et de l’Angleterre, relevaient du grand art en termes d’écriture, d’originalité et d’audace comparées aux blockbusters génériques du moment. Mais est-ce toujours vrai?
Dans le marché télévisuel, la compétition est présentement tellement forte à la suite de l’arrivée de Netflix et d’Amazon que la demande pour de nouvelles séries susceptibles d’attirer de fortes audiences est ahurissante. Et à voir de quoi est constitué la rentrée télé de nos voisins du Sud, il y a tout lieu de croire que ce phénomène conduit peu à peu à un essoufflement créatif. Affirmer cela, c’est constater que les nouveautés à surveiller cet automne sur les chaînes câblées américaines peinent à se démarquer de ce qui se fait au cinoche. On retrouve bon nombre de séries signées Marvel (de super-héros ou de personnages secondaires associés à ceux-ci, une thématique surutilisée au grand écran) et surtout, ironiquement, une pléthore de titres qui dérivent… du cinéma!
En plus d’être en manque d’idées novatrices, la télé devient-elle, elle aussi, nostalgique et passéiste? Il y a lieu de le penser, car nous pourrons voir cet automne des nouvelles séries télé basées sur les films Westworld, Training Day, Lethal Weapon, The Wizard of Oz, Frequency, Taken, et The Exorcist pour ne nommer qu’elles. Les exemples récents de Stanger Things (qui puisait allègrement dans le cinéma référencé des années 80), Ash vs Evil Dead et The Omen n’étaient que la pointe de l’iceberg. Déjà que le marché télévisuel américain attirait de grandes pointures du 7e à la réalisation (Guillermo Del Toro, Woody Allen, Martin Scorsese), donnant du même coup l’envie à plusieurs comédiens d’envergure de devenir la vedette du moment au petit écran, il puise désormais sans scrupule dans la mare des succès cinématographiques des 40 dernières années.
Avec ce constat, il serait peut-être temps que les artisans du cinéma, producteurs, scénaristes, réalisateurs, profitent de cet écart de conduite des bonzes du petit écran. Ils doivent reprendre une place prépondérante sur le marché du divertissement en remettant à l’ordre du jour les mots audace et originalité lorsqu’il s’agit de donner le feu à de nouveaux projets d’envergure. L’image du cinéma grand public en a grand besoin présentement.
Stranger things a recyclé des thèmes présents dans The Thing ou dans les bouquins de Stephen King mais sous un angle rafraîchissant. Dans toutes les formes d’art, on retrouve cet échantillonnage : on fait du neuf avec du vieux. C’est comme ça aussi dans la musique!
Que dire du nombre incalculable de suites à Star wars ? Star trek ? Alien ? Est-ce que ces suites sont justifiées, pertinentes et nécessaires ? Je n’ai pas écouté les séries adaptés de Minority report ou Omen et je n’ai pas envie de les écouter. Mais entre écouter Gotham ou Alien vs Predator, je prendrais la première option.
Votre billet démontre un biais pour le cinéma. Vous parlez de la rentrée télé de nos voisins du Sud mais vous omettez HBO, AMC, FX, les principales chaînes où se trouvent les meilleures séries télés.
The Fly de Cronenberg et 12 monkeys, deux œuvres cinématographiques célébrées, sont en fait des remakes : la mouche d’un film du même nom et 12 singes de La jetée…Mais rares sont les remakes et les suites réussies. Combien de suites CINÉMATOGRAPHIQUES trouve-ton pour l’Exorciste ? Quatre ? Cinq ? Également deux prequels et l’exorcisme d’Emily Rose, The Rite et j’en passe. Si la télé manque d’idées novatrices (affirmation fallacieuse de toute façon), que dire du cinéma !
Die hard ?
La planète des singes ?
Ouf…
La créativité se trouve dans les séries télé car celles-ci en plus de rapporter plus, coûtent moins cher. Si le cinéma inspire le petit écran, c’est parce que les paradigmes de consommation ont changés :
dans des concepts originaux comme Game of thrones, The walking dead (bien que le thème soit éculé, copié sur 28 days later, la rentrée d’automne 2016 suscite grand intérêt à cause du #hastag Negan, bien plus que n’importe quel film à venir en 2016 même si cette hype est justifiée ou non), Breaking bad (série où Sir Anthony Hopkins a qualifié la performance de Bryan Cranston comme étant la meilleure qu’il ait jamais vue), Narcos sur Netflix, The man in the high castle sur Amazon (meilleure adaptation de Dick après Blade runner), Mr Robot qui traite de plusieurs thématiques post-modernes et d’actualités comme la dépression clinique et la phobie sociale sans compter Black mirror, série anglaise qui traite de notre rapport actuel avec la technologie. Quel film post 2000 traite de ces sujets? À brûle pour point je ne saurais en nommer.
D’autres exemples de séries aux concepts originaux ?
The fall, American horror story, The Americans, Deutscheland 83, Utopia, etc. Bien sûr, il y a des navets comme Omen, mais récemment peu de films me viennent à l’esprit quand je pense à des œuvres qui m’ont marquées, contrairement aux séries télés.
Si les gens écoutent davantage de séries télé c’est parce que :
– Celles-ci rejoignent plus leurs préoccupations ;
– Le ‘’character development’’ s’établit sur plusieurs saisons ;
– L’attachement aux personnages s’en trouve étayé ;
– Le cinéma actuel souffre d’un manque de crétativité criant : même David Lynch préfère le format télé (Twin peaks sortira en 2017) ;
En plus, l’expérience cinématographique est de plus en plus obsolète : dorénavant, et de plus en plus, les gens investissent dans un cinéma maison, et avec des blu-ray, et y trouveront un confort maison. Si on ajoute Netflix et du téléchargement de films ou de séries, documentaires, dans 20 ans, nous trouverons de moins en moins de cinémas qui entrent dans leurs frais car la clientèle du Clap en est une vieillissante et lorsque les boomers ne seront plus, les millenials auront déjà adopté un autre mode de consommation!
Ce phénomène est déjà observable à Montréal où Ex-Centris a fermé ses portes ainsi que La boîte noire.
Like it or not, les paradigmes ont changés et le mode de consommation a changé. Même si je suis d’accord avec votre conclusion, je ne crois pas que les bonzes du cinéma vont s’ajuster. Au contraire, on n’a qu’à voir les sorties cinématographiques des cinq prochaines années : deux suites à Prometheus, un Alien de Neil Bloomkamp, deux suites à Star wars en plus de Rogue one, un spin-off sur Yoda, un autre du Han Solo, une suite à Blade runner, un autre Indiana Jones et on parle même déjà d’un remake de la matrice !
Le seul endroit où le septième art trouve encore sa pertinence est dans le film d’auteur ou étranger. Pour le cinéma grand public, c’est peine perdue !
Bonjour Robert, merci pour votre (long) mot, c’est très apprécié. Je vous donne raison sur de nombreux points, notamment sur le fait que j’ai un penchant pour le cinéma face à la télé. L’état du cinéma populaire actuel me désole présentement et voyant la télé américaine (incluant les chaînes comme HBO, AMC et FX malgré ce que vous pensez) plonger tête première dans les mêmes pièges à saveur nostalgique que le grand écran me désole tout autant. Je ne suis pas naïf, il sera difficile pour le cinéma de se relever rapidement côté originalité. Et je suis aussi conscient que dans cette vague, tout n’est pas à jeter. J’ai bien aimé Stranger Things, et j’ai hâte de voir Westworld. J’ai adoré Black Mirror et j’ai hâte de voir sa suite. Un film comme Ex Machina proposait aussi, mais du côté du cinéma, de belles pistes de réflexions sur notre avenir technologique. Bref, le débat n’est pas terminé. Merci encore d’avoir partagé votre point de vue.
Essayez »The night of » sur HBO et vous m’en redonnerez des nouvelles. Allez voir le visuel déjanté de Dennis Kelly sur Channel IV avec Utopia! Bien que je trouve GOT et TWD survéalués, ces séries provoquent et suscitent d’immenses réactions sur les médias sociaux mais aussi, leur impact sur la culture populaire est indéniable. J’aimerais retrouver les beaux jours de Lost highway et Naked lunch mais j’ai bien peur que le septième art court à sa perte à forcer de miser sur les sempiternelles franchises. Manque d’audace ou conservatisme populiste ? Chose certaine, les films indépendants grands publics deviennent de plus en plus rares..
Turturro est formidable dans The Night Of. Utopia, première saison très divertissante. La 2e, moins bien scénarisée…Merci pour les suggestions.