Le Festival de Cannes qui débute mercredi prochain, le 17 mai, a décidé de publier un communiqué cette semaine afin de nier une rumeur voulant que deux films soient retirés de la compétition officielle, Okja de Bong Joon-Ho et The Meyerowitz Stories de Noah Baumbach. Il s’avère que la présence à Cannes de ces deux longs métrages suscitent la controverse dans le milieu du cinéma, car tous deux sont des productions signées Netflix et que le géant américain, comme à son habitude, ne sortira pas ses deux productions en salle mais uniquement sur sa plate-forme.
Cannes étant une festival consacré aux œuvres du 7e art diffusées en salle, la controverse est d’office. Les bonzes cannois ont toujours à cœur de défendre ce modèle d’exploitation bien qu’ils acceptent cette année, hors compétition, la présentation d’épisodes de séries télé réalisées par des cinéastes émérites comme Jane Campion (Top of the Lake) ou David Lynch (Twin Peaks). Que le Festival intègre en compétition des films qui se retrouveront uniquement sur les écrans de cinéma maison, de portables et de tablettes inquiète les producteurs et les distributeurs de films dans bien des pays. Ici, au Québec, Louis Dussault de K-Films, pour ne citer que lui, dénonce depuis longtemps le modèle Netflix qui bafoue les règles nationales en matière de paiements de taxes et d’impôts. Face à ce brouhaha, Cannes a donc décidé qu’à l’avenir, dès 2018 en fait, tout film sélectionné dans la compétition officielle devra avoir une entente de distribution en salle sur le territoire français. Avec cette nouvelle règle, les films produits par les plates-formes numériques seront presque automatiquement écartés de la sélection, mais aussi peut-être des œuvres plus intimistes et audacieuses n’ayant pas encore d’entente de distribution dans l’Hexagone. Rien n’est parfait.
Mais bref, on peut considérer cette décision comme une bonne nouvelle dans l’ensemble. Éthiquement du moins. Amazon, qui est aussi devenue un joueur important dans la production cinématographique et qui utilise un modèle apparenté à Netflix, fait quant à elle preuve de plus de souplesse. Ses films sont d’abord lancés en salle avant de se retrouver sur sa plate-forme. Le réseau des salles obscures en Amérique du Nord, lui, tient encore mordicus à la primeur d’un film côté distribution. De gros sous sont en jeu et le désir de se battre à armes égales est aussi de mise dans ce dossier. Le portrait de l’industrie mondiale du cinéma tend à changer rapidement et l’adaptation est rude. Hollywood consacre dorénavant ses énergie et ses budgets colossaux aux suites de blockbusters et aux longs métrages remplis de super-héros et d’effets
spéciaux survitaminés. Cette structure basée sur des productions grandioses dont la rentabilité est vue à l’échelle mondiale décourage plusieurs réalisateurs qui se voient forcés de tourner le dos au système en place dont Martin Scorsese qui, tout sourire, s’associe à Netflix pour la réalisation de The Irishman, son nouveau projet avec Pacino et De Niro.
L’idéal serait de voir Netflix faire preuve de souplesse, créer des ponts avec le réseau des salles de cinéma et se conformer aux règles fiscales de tous les pays où elle compte des abonnés. Voir le nouveau Scorsese sur un écran de téléphone cellulaire n’a rien de sexy. Netflix propose un mode de production et de diffusion fort séduisant pour certains artisans et pour le grand public, mais son allure de rouleau compresseur entraîne un débat inévitable sur les enjeux reliés au mode de diffusion et de distribution dans chacun des pays. Les principaux acteurs du 7e art doivent réfléchir pour le mieux à cette question avant que le plus prestigieux des festivals ne devienne un festival de films en ligne doté d’une Croisette virtuelle.