Patrice Robitaille n’a plus besoin de présentation. Depuis que le grand public l’a découvert dans les premiers films de Ricardo Trogi (Québec-Montréal, Horloge biologique), on le voit partout, sans jamais se lasser, que ce soit sur scène (Cyrano de Bergerac), au petit (Victor Lessard) ou au grand écran (Le Mirage). Cet été, on aura l’occasion de le remarquer à nouveau dans De père en flic 2 où il joue le rôle de Martin Germain, bras droit du chef de la mafia. Germain et sa compagne (jouée par Julie Le Breton) doivent suivre une thérapie de couple, surveillés par un duo d’agents doubles (Louis-Josée Houde et Karine Vanasse) en mission spéciale, tous sous la supervision de Jacques (Michel Côté) en thérapeute improvisé.
De passage à Québec pour la promotion du film, Patrice Robitaille est revenu sur son parcours, son désir de percer dans le métier voilà vingt ans et aussi sur l’art parfois indicible de la comédie au cinéma.
Éditions Le Clap : On ne peut sûrement pas refuser un rôle dans une réalisation comme De père en flic 2, la suite d’un des plus grands succès du cinéma québécois, mais avez-vous quand même pris le temps de lire le scénario avant de vous lancer dans l’aventure?
Patrice Robitaille : C’est sûr que je lis le scénario, par acquit de conscience, mais dans ce cas-là, effectivement, ça aurait vraiment pris un conflit d’horaire pour que je refuse le rôle. Tourner un film au Québec, c’est encore aujourd’hui un privilège immense. Il y a des comédiens qui font du théâtre ou de la télé, mais qui n’ont pas eu la chance de faire du cinéma. Moi, je fais les trois et je me trouve très chanceux. Faire un film, j’adore ça. Le cinéma, pour moi, ça a quelque chose à voir avec la pérennité. Ça s’inscrit dans ce que nous sommes. En plus, avec De père en flic 2, je savais qu’on allait être une super belle gang réunie en tournage dans les Laurentides (Val-David). Y a pire mettons!
ÉLC : Faire une comédie au Québec et espérer le succès à la fois des critiques et du public, ça semble parfois utopique non?
PR : C’est sûr. Quand un drame se plante, on dit que les gens n’ont pas compris, mais une comédie, ça repose sur des goûts encore plus subjectifs. Les différents types d’humour ne plaisent pas à tout le monde. Je n’ai pas de bogues avec les critiques qui apprécient moins le genre sauf que si le problème c’est eux qui ne trouvent pas ça drôle, alors que ça fait rire un tas de gens… C’est comme Mad Max, le remake, j’haïs ça ces films-là. Mais un ami, fan fini de ce genre, m’a forcé à le voir. Puis j’ai été capable de dire que c’est un bon film même si ça ne me rejoint pas. Les critiques, eux, quand ils ne rient pas, ils ont souvent de la difficulté à avouer que la comédie peut plaire à un public précis.
ÉLC : Justement, vous, qu’est-ce qui vous fait rire au cinéma?
PR : Ça a l’air bizarre de dire ça, mais je ne consomme aucune comédie. Ni de drame d’ailleurs. Je travaille beaucoup, j’ai une vie de famille, alors quand j’ai du temps, je regarde des documentaires et du sport. Ça me relaxe. Regarder des fictions, ça me ramène trop à mon métier et là j’analyse tout et je me pose trop de questions. Mais quand j’étais jeune, j’ai trippé sur Seinfeld, sur Eddie Murphy aussi. J’ai adoré Pierre Richard dans La Chèvre et encore plus dans C’est pas moi, c’est lui, pour moi son meilleur film. Si je n’ai pas vu ce film-là 200 fois, je ne l’ai pas vu. Je connais toutes les répliques par cœur.
ÉLC : Je reviens au scénario de De père en flic 2. À sa lecture, saviez-vous un peu ce qu’allait donner le film une fois terminé?
PR : Oui, en gros. Je n’avais pas de crainte. Quand on lit un scénario, habituellement, on sait pas mal si ça fonctionne ou non. Et je suis assez bon là-dedans. Le malaise, après la lecture, c’est quand on se demande à qui le film s’adresse. Là, ce n’était pas le cas, mais ça m’est déjà arrivé deux fois et c’était assez bizarre. Cela dit, le scénario de De père en flic 2 était très différent de ce qu’on voit à l’écran. Le film, au final, est très bonifié par le montage et aussi par les scènes ajoutées ou ajustées lors du tournage. Émile (Gaudreault, le réalisateur) réécrit beaucoup pendant le tournage. Il y a eu de nombreuses versions du scénario, la version jaune, la version bleue. On est même allé jusqu’à la version verge d’or (NDLR : expression qui se passe de commentaire). Bref, il y a des scènes qui changeaient rapidement, c’était en constante évolution au quotidien. Émile tourne beaucoup de scènes et beaucoup de prises, tellement que le fun du début fait peu à peu place à un acte de foi envers le réalisateur. Mais la confiance était là pour tout le monde, car on savait qu’au montage, ça allait prendre forme. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle il ne faut pas juste se fier à un scénario quand on embarque dans un projet.
ÉLC : Que retenez-vous de cette aventure? Ça vous a permis de faire de nouvelles rencontres professionnelles, car la distribution est fort imposante?
PR : Tout à fait. Le tournage m’a permis de rencontrer professionnellement Yves Jacques et Karine Vanasse. Quand j’étais ti-gars à Loretteville, je regardais Poivre et sel avec Yves puis peu après les Bye Bye où il faisait Mulroney. Je trippais. Comme Marc Messier et Michel Côté, il fait partie de ceux qui m’ont donné envie de faire ce métier. Ces acteurs-là, c’est des références parce qu’ils perdurent dans ce métier, ils ont des carrières. Karine, elle, je n’avais jamais eu l’occasion de lui donner la réplique et j’ai adoré son énergie et sa générosité comme partenaire.
ÉLC : Jeune, bien avant de devenir l’orgueil de Loretteville, étiez-vous confiant de réussir dans le métier comme acteur?
PR : Oui! Ce métier, il faut y croire dès le départ et j’y croyais. Sinon, ça ne peut pas marcher. Ça semble naïf, mais c’est ça. Et à partir du moment où j’ai été accepté au Conservatoire d’art dramatique de Montréal, on était 500 et ils en ont pris neuf dont moi, là j’y ai sérieusement cru. Durant mes trois ans là-bas, mes profs n’ont pas essayé de dénaturer l’acteur que j’allais devenir. Ça demeure trois des plus belles années de ma vie. Mes enseignants, Normand Chouinard, Carl Béchard et Benoît Dagenais, étaient très sensibles à la comédie, à l’humour. Ils ne dépréciaient pas le genre et ça rejoignait qui j’étais. Je suis rentré au meilleur moment pour apprendre mon métier, et ce, après avoir fait deux ans à l’Université Laval en pensant devenir concepteur publicitaire. Mais j’ai passé l’audition, j’ai été accepté. Ricardo Trogi est venu me rejoindre à Montréal, il revenait de la Course destination monde et il s’est installé à côté de mon appart. On s’est nourri l’un de l’autre et ça a contribué à me donner confiance. François Létourneau, aussi de Québec, est arrivé un an plus tard au Conservatoire. C’était le début de nos carrières, on y croyait tous. De père en flic 2, à l’affiche dès le 13 juillet au Clap.