Des films de genre au Québec, surtout d’horreur, au Québec, il s’en fait peu. Robin Aubert, lui, ne s’en cache, adore ce genre. Le cinéaste et acteur vient d’ailleurs d’accoucher d’un long métrage survivaliste à la sauce zombies ayant pour titre Les Affamés (en salle depuis vendredi). Voici le résumé de ma rencontre avec Marc-André Grondin, acteur principal des Affamés, et avec son réalisateur, originaire de Ham-Nord dans les Cantons-de-l’Est, lieu de villégiature bucolique propice à un univers apocalyptique, là où le film s’est tourné.
Éditions Le Clap : Patrick Senécal, romancier spécialisé dans les récits d’horreur, a souvent dit que les subventionneurs (SODEC et Téléfilm Canada) sont très frileux quand il s’agit de financer des films d’horreur ou fantastiques. Est-ce toujours le cas?
Robin Aubert : Oui, c’est encore difficile. Il faut avoir la couenne dure et en même temps, il faut demeurer optimiste quand un projet nous tient à cœur. Quand tout le monde s’entend pour dire que ton scénario est bon, bien la SODEC n’a pas le choix de suivre et finit par financer le film. C’est un peu ça qui s’est passé dans notre cas.
ÉLC: L’histoire est simple. On se retrouve à la campagne et des survivants tentent de fuir les zombies qui errent dans les champs et les boisées sans qu’on sache pourquoi ils sont devenus des affamés de chair vivante. Pourquoi avoir tourné en dehors de la ville, à Ham-Nord plus précisément?
RA : J’ai écrit le film là, dans ma grange. J’étais inspiré par les lieux. Je suis enraciné dans mon coin de pays, c’est là où j’ai grandi. Mes zombies, ce sont des gens du coin, ma famille, mes amis. Je voulais filmer cette ambiance-là et la montrer au cinéma.
ÉLC : Marc-André, vous jouez Bonin, le personnage central des Affamés. Un premier rôle québécois dans un long métrage de zombies, ça ne se refuse pas?
Marc-André Grodin : Quand tu te fais offrir un film de Robin Aubert, tu dis oui! Point. Peu importe le genre. Quand j’ai lu le scénario, je voyais que Robin mélangeait les genres, le film d’horreur, la comédie et surtout le drame réaliste. À la campagne, le zombie, c’est ton voisin, ta prof d’école, ton ami. Je trouvais ça fort intéressant comme situation.
ÉLC : En plus, votre personnage, chose rare au cinéma, est entouré presque exclusivement de femmes. Marie-Ginette Guay, Micheline Lanctôt, Monia Chokris, Brigitte Poupart et la jeune Charlotte St-Martin jouent les autres rôles principaux.
MAG : Je m’en suis rendu compte lors du tournage. Ce sont des actrices fortes et j’étais très chanceux d’être entouré par elles. Bonin était au cœur d’une atmosphère matriarcale, des femmes courageuses qui prennent des décisions.
ÉLC: Pour Charlotte St-Martin qui joue la petite Zoé, ça a été facile de jouer dans une œuvre où les scènes sanglantes abondent?
RA : Elle est née pour être actrice. Elle était très concentrée. Elle n’avait que sept ans lors du tournage. Elle n’avait pas de jugement face à son jeu. C’était naturel. On apprenait en la regardant aller, c’était impressionnant.
MAG : Dès que le mot « action » se faisait entendre sur le plateau, elle devenait très sombre, elle devenait littéralement son personnage. C’était intense.
RA : Marc-André est aussi comme ça. La caméra l’aime, c’est chimique. C’est fantastique et moi, comme cinéaste, je n’arrive toujours pas à comprendre ce phénomène.
ÉLC : On n’a pas un long passé dans l’horreur au cinéma québécois. Pourtant, j’ai l’impression qu’on a des artisans de grande qualité de ce côté, autant pour les effets spéciaux que les explosions ou les maquillages. C’est vrai?
RA : Oui. Nos zombies étaient encore un peu humains. Ils n’étaient pas devenus des cadavres errants. Donc, il fallait quand même qu’ils aient l’air un peu humains, pas seulement cadavériques. C’était tout un travail. Pis j’avoue, j’adore voir du sang au grand écran. Le contraste avec le vert est frappant. On avait une équipe de grande qualité menée par Éric Gosselin qui a fait tout un travail pour rendre réalistes les blessures. Il apporte plein de détails pour que les plaies aient l’air vraies. Je voulais qu’on y croit et pour moi, c’est une réussite de ce côté.
ÉLC: Est-ce que Les Affamés peut plaire à un public qui n’est pas typiquement attiré par les films de peur?
RA : Je pense que oui. Partout où le film est présenté, la réaction est identique. Dans la salle, il y a un phénomène qui se produit, tout le monde y trouve son compte. Et le fait que plusieurs personnages ne soient pas des caricatures, ça crée une catharsis. On peut s’identifier à des personnages qui nous ressemblent et non à une greluche de service qui prend sa douche avant d’être assassinée comme on le voit trop souvent au cinéma.
MAG : Il y a aussi l’importance de l’humour qui permet de nous faire passer un bon moment, du moins pour ceux qui n’aiment pas trop avoir peur. Le rire et la peur, ça énergise, ça libère chimiquement quelque chose dans notre corps.
RA : C’est un film qu’il faut voir en groupe, il faut le vivre en même temps que d’autres personnes dans une même salle. Ça permet de se sentir moins seul au monde, de le vivre en gang, sans se demander pourquoi des êtres humains se transforment en zombies. On constate juste que tout le monde est un peu viré fou comme le président américain (rires).