Le chroniqueur du Magazine Le Clap (chronique Ciné-psy), Marcel Gaumond, nous offrait tout récemment un texte sur ce blogue concernant le nouveau film de François Ozon, L’Amant double. Pour faire suite à son billet, voici un résumé d’un entretien récent avec Jérémie Renier au sujet de ce film aussi réussi que déstabilisant et dans lequel il tient les rôles des jumeaux psychiatres, Paul et Louis.
Acteur belge, Jérémie Rénier s’est fait connaître adolescent dans La Promesse, le premier long métrage des frères Dardenne. On l’a revu ensuite à de nombreuses reprises dans leur univers, notamment dans L’Enfant et aussi dans la peau du défunt chanteur pop Claude François dans Cloclo. Il a été à deux reprises au générique de films signés par François Ozon, soit Les Amants criminels et Potiche. Pour cette troisième collaboration avec le cinéaste français, Renier n’incarne pas un, mais bien deux personnages. De passage à Montréal dans le cadre de Cinemania, l’acteur nous a parlé de ce double rôle dans L’Amant double aux côtés de Marine Vacth qui, elle, interprète Chloé, une femme tiraillée entre les deux frères, en proie à ses impulsions amoureuses et névrotiques.
Éditions le Clap : Jérémie, vous avez joué à deux reprises pour Ozon. D’être dirigé une troisième fois par lui n’est donc pas surprenant?
Jérémie Renier : Exact. François aime bien s’entourer de gens qu’il affectionne, réutiliser les mêmes acteurs comme Melvil Poupaud et Marine Vacth. On se connaît depuis vingt ans. Nous avons donc noué une belle amitié et un respect mutuel durant toutes ces années. Chaque fois, François me propose des univers différents et sans accepter les yeux fermés sa nouvelle proposition, disons que l’idée de le retrouver sur un film me plaît particulièrement.
ELC : Pour L’Amant double, quelle a été la mécanique à mettre en place pour interpréter ces rôles de jumeaux?
JR : Il y a un gros travail en amont, en lecture, on a beaucoup répété afin de caractériser les personnages. Puis, au fil des répétitions, on a plutôt voulu jouer sur le peu de différences entre les deux frères. S’amuser en passant de l’un à l’autre sans crier gare et créer ainsi une atmosphère un peu schizophrénique.
ELC : L’autre défi d’acteur dans ce film, c’est de jouer avec votre partenaire des scènes où le sexe et la violence se côtoient. Il fallait sûrement établir un fort lien de confiance entre Marine et vous sur le plateau afin d’éviter toute tension?
JR: En lisant le scénario et en acceptant de jouer ces scènes, Marine et moi, on savait très bien dans quoi on s’embarquait. Nous avons traversé ce film à trois. C’était très intimiste comme tournage. François est exigeant, exalté sur un plateau, mais il laisse beaucoup de place pour que le tout ait l’allure d’un terrain de jeux dans lequel Marine et moi pouvions évoluer, à notre façon, et que ça se passe de la façon la plus agréable possible.
ELC : À sa sortie, L’Amant double, de par sa facture, allait inévitablement polariser les réactions?
JR : Nous étions conscients du côté provocateur du film, voire clivant, à cause du sujet, des scènes de sexe et de psychanalyse. On rebute un public, on en séduit un autre. C’est la signature de François, des œuvres qui grincent. Moi, j’aime son audace et ici, il flirte avec la folie de David Lynch et celle de David Cronenberg qu’on retrouvait au grand écran dans les années 80.
ELC : En quoi votre expérience sur ce film vous a nourri comme acteur?
JR : Avoir la chance de jouer deux personnages et de transgresser les codes de la fiction, de partir hors de la réalité, c’est très motivant pour un comédien. J’ai pris un réel plaisir à plonger comme acteur dans cette aventure. Le long métrage présente plusieurs lectures, plusieurs couches dans le e récit… que demander de mieux?
ELC : En terminant, vous êtres d’origine belge… Alors, quel regard portez-vous sur le cinéma belge actuellement, autant flamand que wallon?
JR : Le cinéma de mes origines ratisse très large présentement. On laisse de la place aux jeunes contrairement à ce qui se passe en France. Le cinéma flamand, particulièrement, profite d’une belle liberté et d’une énergie incroyable. Je pense au film Les Ardennes que j’ai vu récemment, c’est une vraie proposition de cinéma. Bref, je suis très optimiste de ce côté.
Jérémie Rénier vient de terminer la réalisation de Carnivores, un drame coréalisé avec son frère Yannick. Un thriller psychologique qui prendra l’affiche en Europe à la fin mars. L’Amant double, lui, prend l’affiche au Québec le 24 novembre.