Le film UVANGA de Marie-Hélène Cousineau et de Madeline Piujuq arrive en salle de façon discrète, mais ce serait dommage de n’y prêter aucune attention. Il s’agit d’un rare long métrage (le deuxième du tandem après Le Jour avant le lendemain) qui s’intéresse à la vie d’aujourd’hui au Nunavut. On se retrouve très au nord, dans le Grand Nord canadien, dans le village d’Igloolik, situé non loin de l’île de Baffin. Une femme et son fils arrivent de Montréal. La mère veut que ce dernier renoue avec ses racines inuites, sa famille d’origine et les mœurs du village où il a été conçu. Le père de l’adolescent, lui, est décédé sur place quelques années auparavant dans des circonstances nébuleuses.
Sans être un thriller ni un documentaire, cette fiction contemporaine donne la chance à Marie-Hélène Cousineau de mettre en scène la réalité d’aujourd’hui au Nunavut et particulièrement à Igloolik. C’est là-bas qu’elle et Zacharias Kunuk, réalisateur d’Atanarjuat ont mis sur pied un centre d’accès vidéo et ainsi développer, au fil des ans, une certaine expertise filmique chez les gens de la place. La compagnie de production est implantée dans le village où habitent d’ailleurs la plupart des techniciens qui ont travaillé sur UVANGA. « Pour que le film aboutisse, il fallait que plusieurs femmes influentes du village embarquent dans l’aventure et acceptent que l’on montre des réalités qui ne sont pas toujours roses, mais qui dépeignent ce qui se passe dans le Nord », dira la réalisatrice.
En voyant UVANGA (signifiant moi-même en inuktitut), on s’étonne du naturel sur grand écran dont font preuve l’ensemble des acteurs et actrices, tous non-professionnels (hormis Marianne Farley qui joue le rôle de la mère). Des comédiens qui, de par les infrastructures mises en place, sont habitués depuis longtemps aux caméras. D’ailleurs, une série d’émissions a été tournée à Igloolik pour le réseau APTN (Aboriginal People’s Television Network), tout comme de nombreux documentaires et courts métrages. Revenant sur la qualité de leur jeu, Marie-Hélène Cousineau souligne qu’elle et Madeline ont dû offrir quand même quelques ateliers et du coaching pour arriver à un certain niveau de qualité. Marianne, quant à elle, devait s’adapter au style de jeu des locaux. « Les Inuits n’ont pas de grandes expressions faciales, ils ne crient pas fort. C’est une grande différence avec nous », d’ajouter la cinéaste. Elle affirmera que son film donne aussi l’occasion de mieux connaître ce milieu, d’aller à la rencontre de l’autre, de se familiariser avec les rapports entre Inuits, de voir ce qu’ils mangent et même de constater qu’ils ont eux aussi un été.
Au Québec, si le défunt Arthur Lamothe s’est longtemps passionné à travers son œuvre pour les communautés autochtones, rarement le cinéma d’ici s’est montré intéressé à dépeindre la vie autochtone. Étonnamment, depuis deux ans c’est le phénomène inverse qui se produit. Plusieurs films abordant cette réalité comme Mesnak, Sur les ailes de Johnny May, 3 histoires d’Indiens, Maïna et Rhymes for Young Ghouls ont été lancés récemment. Bien qu’elle s’en réjouisse, Marie-Hélène Cousineau estime que le Canada anglais est encore bien plus ouvert que nous aux cultures autochtones. Tout en assurant la promotion d’UVANGA, la cinéaste confirme travailler actuellement sur son prochain film, un long métrage documentaire abordant de plein front la question du suicide chez les Inuits. Un projet important pour cette artiste engagée qui n’a pas froid aux yeux.