Buffet surréaliste à Cuba

 

Ian Lagarde lance ce mois-ci un premier long métrage de fiction. Son film intitulé All you Can Eat Bouddha détonne dans le panorama actuel du cinéma québécois. Le récit est centré sur Mike, un touriste bourru qui débarque dans un hôtel des Caraïbes. Sur place, il profite du buffet à volonté pour se goinfrer. Son séjour sera bizarrement prolongé et prendra une drôle de tournure.

Joint à Paris où il est présentement en résidence d’écriture pour le scénario de son prochain film, le réalisateur nous a donné des détails sur ce long métrage à saveur surréaliste qui aborde avec humour la situation des États totalitaires, le tourisme de masse et la surconsommation.

Éditions Le Clap : Ian, avant de passer à la réalisation, vous avez fait l’acteur?

Ian Lagarde : Oui, quand j’étais très jeune, j’ai joué dans Le Club des 100 watts, dans Au nom du père et du fils. Mais j’ai grandi beaucoup physiquement à l’adolescence et à partir de ce moment-

Ian Lagarde, réalisateur, crédit photo Y. Grandmont.

là, hormis quelques pubs, je me suis dirigé instinctivement vers la caméra et la réalisation.

ÉLC : Vous êtes aussi directeur photo (Blue Moon, Vic et Flo ont vu un ours) et vous avez réalisé plusieurs courts métrages. Pour ce premier long métrage, qu’aviez-vous envie de faire?

IL : J’ai grandi avec Alejandro Jodorowsky. Ses films comme La Montagne sacrée et ses BD comme la série L’Incal m’ont fortement marqué. Bunuel, Antonioni et Pasolini sont parmi mes influences les plus fortes. En faisant All you Can Eat Bouddha, c’était évident que tout ça allait transparaître. Mon film est très investi de l’énergie des années 60/70. On a eu un budget d’un million pour faire ce film qui n’était pas évident à vendre aux institutions de par son genre un peu étrange. Mais j’y croyais dès le début et heureusement, plusieurs personnes ont embarqué avec moi dans l’aventure.

ÉLC : Pourquoi s’intéresser à Cuba et aux formules tout inclus ?

IL : Je n’ai pas beaucoup voyagé dans ma jeunesse et ce phénomène, que je ne connaissais pas personnellement, me fascinait et m’horripilait en même temps. Le kitsch fabriqué pour les touristes, je n’en revenais pas. Cuba s’est imposé pour le tournage, car c’est une île qui regorge de complexes touristiques parce que c’est un lieu qui semble encore imprégné des années 50. Et les Cubains ont une culture artistique différente de celle du Mexique et de la République dominicaine. L’esthétique soviético-ludique me plaisait beaucoup. Pendant qu’on y tournait, il y avait non loin l’équipe de The Fast and Furious 8 qui filmait quelques scènes d’action. C’était un peu étrange. Cela dit, le professionnalisme des Cubains côté cinéma est surprenant.

ÉLC : Pourquoi être allé chercher Ludovic Berthillot en France pour interpréter Mike, un touriste qui prolonge un peu contre son gré son séjour à l’hôtel?

IL : Au départ, le film a failli être une coproduction et, du côté de la France, je suis tombé sur Ludovic avec son air de vieux gangster russe. Je l’ai rencontré et il me paraissait parfait pour le rôle. C’est par la suite que j’ai vu sa performance inoubliable dans Le Roi de l’évasion d’Alain Guiraudie. Bref, ça a été un coup de foudre entre nous. Ludo a accepté d’emblée de jouer le personnage principal.

ÉLC : Votre film, vous nous le vendez comment en une phrase?

IL : Je dirais qu’il faut le voir pour ce qu’il est, une œuvre vraiment différente de ce qu’on voit habituellement en salle. Et pour voir les tropiques autrement. Vous verrez un film québécois un peu surréaliste, chose qui est assez rare finalement.