UniFrance invite chaque année, en janvier, des dizaines de journalistes de divers pays afin de participer à des séances d’entrevues avec des réalisateurs/réalisatrices et acteurs/actrices de France associés à des œuvres que nous aurons l’occasion de voir au cinéma en 2018 sur notre territoire.
Cette année encore, je me compte chanceux, j’y étais pour le Clap. Voici un résumé des anecdotes survenues lors de ce petit voyage de cinq jours dans la Ville lumière. L’arrivée, le jeudi, est marquée par le décalage horaire. L’enjeu, ne pas dormir de jour et attendre la fin de soirée pour faire une nuit complète et prendre le rythme des Parisiens. Hourra! Mission réussie, je suis frais et dispos le lendemain. Durant les jours qui suivent, je ferai un total de 25 entrevues. Côté météo, il fait autour de 4 degrés et il pleut à longueur de journée. Bref, c’est Paris en janvier. Les entrevues se déroulent en rafales au deuxième étage de l’hôtel Intercontinental, tout près des Galeries Lafayette et de l’Opéra de Paris dans le neuvième arrondissement. Une trentaine de chambres, comme à l’habitude, ont été réservées afin d’accueillir les artistes qui l’un après l’autre répondront aux questions de dizaines journalistes chaque jour.
Donc vendredi, ça démarre rondement. J’interroge tour à tour Guillaume Canet et Marion Cotillard, couple dans la vie et parfois à l’écran (Rock’n Roll). Je fais remarquer à l’acteur que plus jeune, il me faisait penser à Patrick Dempsey. Il me confirme qu’on lui a souvent fait la remarque (je me trouve vraiment pas original). Généreux, il dépasse le temps alloué (dix minutes) pour mieux préciser sa pensée sur l’état du cinéma dans le monde, un univers où le pop-corn est roi selon lui. Marion Cotillard, elle, a un horaire surchargé ce jour-là. Son deuxième et tout jeune enfant (une fille selon l’équipe sur place) se balade dans le corridor avec la nounou pendant que la mère, blonde pour un nouveau rôle se prête au jeu de la promotion. Elle accepte joyeusement de se présenter à moi à la caméra en reprenant l’accent québécois qu’elle caricaturait maladroitement dans Rock’n Roll en forçant un peu trop sur les A. En soirée, nous sommes conviés à la soirée UniFrance lors de laquelle on remettra un prix à Juliette Binoche pour l’ensemble de sa carrière. Cette dernière, émue, l’accepte au son d’un discours empreint d’émotion. Sur place, je croise Éric Gravel, un Québécois vif et cultivé, exilé en France depuis dix-sept ans, qui a réalisé plus tôt en 2017 un premier long métrage avec Julie Depardieu et Yolande Moreau, un film intitulé Crash Test Aglaé, dans lequel on peut entendre du Plume Latraverse. Hélas, son film n’a jamais été distribué ici. J’avale quelques verres de champagne et je file me coucher afin d’être en forme pour faire les entrevues du samedi.
Le lendemain, les entrevues se poursuivent et les invités sont tous d’une grande gentillesse. L’équipe qui gère l’ensemble de l’événement aussi. Bref, tout le contraire de la réputation qui colle aux Parisiens habituellement. Dehors, les soldes se poursuivent au centre-ville de Paris. Alors qu’on apprend que Pierre Richard a annulé sa présence, préférant se retrouver dans les Alpes aux côtés de Sophie Marceau pour son nouveau film, je profite d’une pause pour me rendre à un salon de réalité virtuelle de la compagnie VRrOOm, spécialisée dans ce domaine. Le casque de RV nous permet d’accéder à un univers incroyable qui donne un peu le vertige. Les images, en 3D, sont évidemment tournées avec la technologie 360 degrés. Remis de mes émotions, je termine ma journée de travail et j’en profite pour faire une petite balade en ville. La richesse du secteur détonne avec la présence de nombreux itinérants (avec chien et enfant), immigrants illégaux qui trouvent refuge à l’entrée des commerces qui viennent de fermer leurs portes. L’image est forte et émotive.
Dimanche, Marina Foïs, dont c’est l’anniversaire, nous séduit par son humour et sa vivacité d’esprit. Le réalisateur Tony Gatlif (Gadjo Dilo) se souvient avec plaisir de ses voyages au Québec et en profite pour prendre des nouvelles de Serge Losique. Michel Hazanavicius arrive avec 45 minutes de retard pour nous parler de son film sur Jean-Luc Godard (Le Redoutable) en précisant avoir vu le film québécois La Chasse au Godard d’Abbittibbi. Le doyen Jacques Doillon nous confirme s’ennuyer du Québec et, sans pudeur, confirme qu’avec deux pensions à payer, son salaire ne lui permet pas de s’envoler pour la Belle Province pour y présenter Rodin, son nouveau film avec Vincent Lindon dans le rôle-titre. Puis, on apprend que c’est par un casting sauvage (sélection par le physique, au hasard, dans la rue) que Laurent Cantet et Xavier Beauvois ont trouvé leurs deux plus récentes têtes d’affiche.
Lundi, dernière journée. Jean-Pierre Darroussin prend des nouvelles du festival de cinéma à Québec et de l’état du fleuve Saint-Laurent. Marine Vacht peine à se souvenir de son rôle dans La Confession, tourné trois ans plus tôt avec Romain Duris. Tellement, qu’elle ne peut résumer l’histoire ni les particularités de son personnage. Au bout du compte, cet entretien prendra la direction de la filière 13. Pour le même film, le cinéaste Nicolas Boukhrief affirme que les journalistes québécois sont ceux qui posent les meilleures questions. Je dis ça, je dis rien. Puis, le cinéaste conclut en admettant être emballé par son nouveau projet, l’adaptation du roman Trois Jours et une vie de Pierre Lemaitre (l’auteur d’Au revoir là-haut). Mathieu Amalric est particulièrement en forme et souriant. On a hâte de le voir faire de la nage synchronisée ave Philippe Katerine et Benoît Poelvoorde dans Le Grand Bain qui sortira dans les prochains mois. Amalric précise aussi sa prochaine venue au FIFA de Montréal pour son court métrage mettant en vedette la soprano canadienne Barbara Hannigan qu’il a filmée en répétition.
En entrevue, le réalisateur Arnaud Desplechin se rappelle son film Rois et reines en l’appelant Kings and Queens. Lorsque je lui demande pourquoi il parle de son film avec un titre en anglais, il répond que, s’adressant à des journalistes francophones canadiens, il pensait que le titre anglais était plus à propos. Mes oreilles ont saigné. Enfin, la journée se termine avec Vincent Cassel. Aussi intense que dans ses films, l’acteur qui vient d’incarner Gauguin au cinéma en profite pour nous inciter à aller voir en 2018 Le Monde ou rien, nouveau film de Romain Gavras dans lequel il joue. Un film aussi intense, selon lui, que Notre jour viendra. Je n’y manquerai pas!!! Maintenant, il s’agit de penser au retour en avion pour le lendemain alors qu’une méga-tempête menace de s’abattre sur le Québec. On appelle ça un retour à la réalité qui promet.
Mardi, jour de départ, il faudra ensuite faire le tri, dans un exercice de montage ardu, pour garder les répliques les plus intéressantes de ces artisans du 7e art afin de donner envie au public québécois d’aller voir ce qui se fait de mieux dans l’Hexagone lors des six prochains mois.