À un moment donné, au mois de mars, neuf longs métrages québécois étaient projetés simultanément au Clap. Du rarement sinon du jamais vu. Si on peut se réjouir d’une aussi florissante production locale, les résultats au guichet de ces longs métrages ne peuvent évidemment égaler ceux des films américains à grand déploiement comme Black Panther et Tomb Raider, surtout que le budget de promotion des longs métrages québécois est presque toujours famélique. Là où on peut se réjouir cependant, c’est de constater que plusieurs de ces œuvres ciblaient, par leur contenu, leur récit, leur distribution, une clientèle difficile à joindre ces dernières années, soit les jeunes de quatorze à vingt ans. Charlotte a du fun, Ailleurs, Les Faux Tatouages et même Chien de garde leur étaient en grande partie destinés. Les plus vieux pouvaient, de leur côté, se rabattre sur Pour vivre ici de Bernard Émond et sur Hochelaga : terre des âmes de François Girard pendant que le très jeune public avait de son côté Nelly et Simon : mission yéti pour se sustenter.
Bref, l’offre était plus que variée et il faut s’en enorgueillir. Mais le nerf de la guerre demeure encore et toujours la capacité du distributeur et du diffuseur à faire connaître la sortie de tous ces longs métrages, à informer le grand public qu’un film ou deux dans le lot leur est minimalement directement destiné. Le bouche à oreille peut aider, mais les moyens financiers du côté du marketing sont fort limités. Au final, une question majeure demeure : pourquoi sortir autant de films québécois en même temps? Ce phénomène donne l’impression qu’un titre en cannibalise inévitablement un autre alors qu’en avril et en mai, selon les prévisions de sorties, seulement quatre ou cinq fictions d’ici devraient atterrir sur les écrans. Bref, on assiste à un calendrier de sorties débalancé dont on peine à comprendre la logique.
Notons enfin, pour l’anecdote, une autre statistique « chauvine » des plus intéressantes soit que trois films ayant été réalisés ici à Québec (le documentaire Bras de fer, Ailleurs, et Nelly et Simon : mission yéti) faisaient partie du contingent québécois de mars.
Je termine ce texte de blogue avec une histoire singulière concernant le cinéma français. La plus récente cérémonie des Césars a été diffusée deux jours avant les Oscars. Elle est donc passée un peu inaperçue au Québec. Pourtant, plusieurs films nommés ont pris récemment l’affiche avec succès sur nos écrans (Le Sens de la fête, Au revoir là-haut) ou s’apprêtent à sortir sur nos écrans dans les prochaines semaines. Aux Césars comme aux Oscars, les votants dans les différentes catégories sont issus du milieu du cinéma. L’un des votants français, Laurent Bouhnik, un réalisateur qui nous a donné Zonzon, mais qui peine aujourd’hui à réaliser ses projets filmiques, s’est amusé publiquement sur Facebook à parler de son travail comme membre votant. Il a reçu un coffret de DVD comprenant 150 films soumis aux différentes catégories. Chaque jour, le cinéaste s’est amusé avec un humour féroce, sur le réseau social, à commenter chacun des longs métrages. Son ton, virulent, moqueur, voire même condescendant, n’a évidemment pas fait l’unanimité. Juger publiquement le travail de ses pairs est un exercice périlleux et qu’on imagine difficilement au Québec. On peut saluer l’audace ou une certaine franchise de la part de Bouhnik mais il reste qu’il s’est assurément mis à dos une industrie entière avec ce genre d’exercice. Bref, son aventure césarienne est accessible à tous sur son compte Facebook.