Après le fort beau et troublant drame Les Démons, Philippe Lesage propose dès le 15 mars Genèse, film qui s’intéresse aux amours adolescentes. Un peu à la manière d’un film choral, son long métrage raconte l’histoire de Guillaume (Théodore Pellerin), un beau parleur charismatique qui verra son amitié avec un compagnon de classe se transformer peu à peu en quelque chose de plus ambigu. Puis, on s’intéressera au destin de Charlotte (Noée Abita), qui, écartelée entre deux relations insatisfaisantes, peine à trouver celui qui s’intéressera à elle pour de bonnes raisons. Enfin, dans un camp d’été, Félix et Béatrice découvrent tous deux le sentiment amoureux. En promotion pour son nouveau long métrage qui s’apprête aussi à prendre l’affiche en France, Philippe Lesage nous a donné quelques détails sur la réalisation de Genèse.
Pierre Blais : Après Les Démons où les rôles d’adolescents étaient nombreux, pourquoi aviez-vous à nouveau envie d’explorer cette période avec Genèse?
Philippe Lesage : Je voulais surtout me pencher sur la fin de l’enfance et le début de la vie d’adulte, un âge où tout va très vite. Ma vision est bien sûr basée sur des souvenirs de ce que j’ai vécu à cet âge, mais je crois que les jeunes d’aujourd’hui vont se retrouver à travers ce que vivent mes personnages. Mon film, je crois, évite le piège habituel de la nostalgie et donc les réactions de mes personnages sont intemporelles. On vit l’amour et ce qui tourne autour de la même façon aujourd’hui qu’hier.
PB : Philippe, vous avez étudié le cinéma au Danemark et là-bas, les films s’attardent souvent aux situations sociales et aux émotions qui font mal. C’est une influence certaine?
PL : Oui, du moins avec Lars von Trier qui aime toujours mettre un caillou dans le soulier même si je ne vais pas dans la manipulation comme il aime bien le faire. Pour moi, le cinéma doit refléter la vie telle qu’elle est, c’est ce que je m’attarde à faire. Par exemple, il y a une scène très dure dans Genèse avec le personnage joué par Noée Abita et si elle s’y trouve c’est qu’autour de moi, la plupart des femmes avaient déjà vécu, plus jeunes, une menace sexuelle, une forme ambiguë de la banalité du mal si je puis dire.
PB : Votre film met en vedette la crème des jeunes acteurs québécois actuels dont plusieurs avaient joué dans Les Démons, je pense à Rose-Marie Perreault, Pier-Luc Funk, Émilie Bierre, Théodore Pellerin pour ne nommer qu’eux. C’est facile de les diriger sur un plateau?
PL : Oui, car je les trouve hyper-talentueux et à leur âge, ils comprennent exactement ce que veut dire le jeu naturel devant une caméra. À la télé, les comédiens d’expérience ont souvent un ton plus dramatique et affecté qui ne me plaît pas vraiment, surtout que moi, je recherche toujours un jeu naturaliste chez mes acteurs. Les jeunes acteurs de Genèse, heureusement, comprennent très bien cela.
PB : La Française Noée Abita était formidable dans Ava, est-ce pour ça qu’elle a eu le rôle de Charlotte?
PL : Je l’ai effectivement trouvé incroyable dans Ava, mais c’est aussi un concours de circonstances. J’ai perdu une comédienne à une semaine du tournage et on a dû trouver très rapidement une autre actrice. À ce moment-là, il y avait une belle rumeur autour de la performance de Noée dans Ava qui venait d’être présenté à Cannes. J’ai vu le film, je lui ai envoyé le scénario et rapidement, elle a foncé. Elle avait envie de jouer ce rôle et avait naturellement cette force et cette fragilité qui émanent du personnage de Charlotte.
PB : Paul Ahmarani joue un enseignant qu’on aime détester, un être fascinant, érudit, qui intimide ses étudiants. Ça vient de vos souvenirs du collège privé?
PL : C’est un mélange de plusieurs profs que j’ai connus et aussi du talent de Paul pour donner une couleur à son personnage, un côté charismatique et cassant, voire imprévisible. Le jeu de pouvoir entre lui et Guillaume joué par Théodore Pellerin est très intéressant.
PB : Y a-t-il une scène que vous préférez dans Genèse?
PL : La dernière partie au camp de vacances et sa fin ouverte. J’aime qu’on se pose des questions en voyant mon film et cette scène est interrogative. On vient y prendre les éléments qu’on aime, mais à la fin, le spectateur interprète le tout à sa façon. C’est vraiment ce que je recherche.