Charles Aznavour n’est plus. Il aura connu une carrière phénoménale avec sa voix unique et surtout une façon bien à lui d’écrire des textes où tous pouvaient se reconnaître. Aznavour devenait littéralement chacun des personnages de ses chansons comme sait si bien le faire un comédien. Il les faisait prendre vie, devenant tour à tour un homme rêvé, un homme brisé, un homme efféminé. On le regrettera.
Sa carrière, bien sûr, ne se résume pas qu’à ses multiples prestations sur scène et à ses dizaines de succès sur disques car l’Arménien avait aussi connu une très honorable carrière au grand écran et ça, on tend à l’oublier. Il était pourtant d’un naturel confondant dans la plupart de ses rôles. Durant les années 40 et 50, il fait quelques présences dans des films sans être vraiment remarqué. Il faut attendre 1960 et sa performance comme premier rôle dans Tirez sur le pianiste de François Truffaut pour réellement constater son aisance devant la caméra. Il tourne par la suite de deux à trois longs métrages par an, dont plusieurs polars très efficaces et plusieurs productions internationales grand public comme Intervention Delta ou plus pointue comme le chef-d’œuvre de Schlöndorff, Le Tambour. Chabrol et Lelouch lui font également confiance. Les années 80 et 90 seront marquées par de multiples rôles qu’incarnera l’artiste au petit écran. Sinon, on retiendra Ararat d’Atom Egoyan, un film (plutôt bancal) lancé en 2002 qui avait le mérite de faire le point en fiction sur le génocide arménien.
En France, les chanteurs comme Aznavour ayant connu de belles carrières au grand écran sont nombreux. Comme si une tradition leur permettait de faire le pont entre ces deux formes d’art, et ce, sans discrimination. Yves Montand, Jacques Dutronc et Patrick Bruel sont parmi ceux qui se sont démarqués au même titre qu’Aznavour. Johnny Hallyday et Jacques Brel ont aussi été vus dans quelques productions. Certains acteurs, eux, ont fait le chemin inverse comme Guy Marchand et Lambert Wilson. Ailleurs, on se souviendra de Frank Sinatra ou de David Bowie. Au Québec, Félix Leclerc (Les Brûlés), Claude Gauthier (Entre la mer et l’eau douce), Donald Lautrec (Gina), Robert Charlebois (Un génie, deux associés, une cloche) nous viennent en tête. Et nous pourrions consacrer un texte en entier au pendant féminin de ce phénomène. Ce sera pour la prochaine fois. D’ici là, les chansons et les films d’Aznavour résonneront pour toujours comme des plaisirs indémodables.