Quentin Dupieux est un cinéaste français au cheminement très particulier, du moins autant que son univers filmique constitué de longs métrages humoristiques inclassables. Son plus récent film Au poste! est bien évidemment une comédie, très loufoque, très théâtrale, et qui rappelle invariablement certaines œuvres marquantes du cinéma français des années 70 et 80. De passage à Montréal à l’occasion du Festival du Nouveau Cinéma, le réalisateur nous a donné des détails par téléphone sur sa plus récente création, en salle à Québec, au Clap, dès le 19 octobre.
Éditions le Clap : Avant de tourner Au poste!, vous vous amusiez toujours à réaliser vos films à l’extérieur du pays, notamment aux États-Unis. Considérez-vous l’aventure de ce nouveau projet comme un retour au bercail?
Quentin Dupieux : Oui, tout à fait et c’était voulu. J’avais fait le tour de mon voyage en Amérique. C’est mon sixième long métrage, mais le tout premier tourné en France.
ÉLC : Au poste! relate une garde à vue dans un poste de police alors qu’un inspecteur, joué par Benoît Poelvoorde, interroge le témoin d’un meurtre. Comment avez-vous géré la présence de l’acteur sur le plateau, lui qui a une personnalité disons très expansive?
QD : J’avais entendu de sales histoires sur Benoît par des gens du milieu qui tentaient d’ailleurs de me décourager de l’engager pour le film. On disait de lui qu’il était infernal, très compliqué, etc. En fait, j’ai compris rapidement comment ce garçon fonctionne. Dès qu’il s’ennuie sur un plateau, il fout le bordel. Heureusement, mon rythme de tournage est très rapide. Sur mon plateau, il y a très peu d’attente, car je m’occupe moi-même de la lumière et de l’image, alors ça a réglé le problème. Benoît tournait toute la journée, sans temps mort, et il a ainsi retrouvé le plaisir de jouer.
ÉLC : Votre film évoque les films policiers qui se faisaient en France dans les années 70 et aussi, bien évidemment, Garde à vue de Claude Miller pour l’aspect face à face et huis clos. On pense également pour l’humour absurde à Buffet froid de Bertrand Blier. Ce sont des comparaisons justes?
QD : Tout le monde me cite le film de Blier et c’est normal, j’ai grandi avec Buffet froid alors ça transparaît inévitablement. Mais il y a aussi l’influence du Père Noël est une ordure ou encore du Magnifique avec Belmondo. J’avais envie de faire de bons dialogues à la française comme dans ces films et Le Père Noël… a ce côté théâtral qu’Au poste! a aussi.
ÉLD : Parlons d’argent. Vos productions sont simples et efficaces. Vous faites beaucoup avec peu, non? Rêvez-vous d’un plus grand budget pour vos films?
QD : Je suis très à l’aise avec un budget de 3,5 millions d’euros. Dans cette configuration, je fais exactement ce que je veux, sans pression. Je tourne comme ça me chante et les producteurs sont rassurés, car les enjeux financiers sont minimes. On me donne le final cut, ce contexte me permet d’être libre dans la création. Alors, non, je suis très heureux avec de petits budgets. Un film qui coûte cher et qui ne marche pas, c’est violent pour une carrière.
ÉLD : Poelvoorde accepte de tourner pour vous et Jean Dujardin sera au générique de votre prochaine réalisation, Le Daim. On parle de grosses pointures. Est-ce à dire que votre réputation de cinéaste est en pleine ascension?
QD: Sûrement un peu. Poelvoorde ne connaissait pas mon cinéma cela dit, il a aimé le scénario et embarqué dans mon aventure. Jean, lui, il était partant et connaissait mon univers. J’avoue que tout est génial et que j’ai beaucoup de chance de tourner avec eux.
ÉLC: Finalement, comment considérez Au poste! à travers votre filmographie?
QD: C’est mon premier classique. Je le dis sans prétention. Je pense qu’il sera diffusé chaque année à la télé pour le plaisir des téléspectateurs. Mes autres films sont plus marginaux. Ici, on est dans le plaisir tout simple du cinéma. Mon prochain film, Le Daim avec Jean Dujardin, sera quant à lui plus proche du cinéma amateur et sauvage que j’aime également faire.
Petite bio sommaire : Fils de garagiste parisien, Quentin Dupieux se fait remarquer voilà vingt ans par un client de son père, Laurent Garnier, DJ et vedette de la french touch de l’époque. Il collabore avec ce dernier et travaille aussi avec Michel Gondry, développant ses talents de vidéaste iconoclaste tout en touchant à la musique électro sous le pseudonyme de Mr. Oizo. Par la suite, il se lance dans le cinéma en réalisant sept longs métrages échelonnés sur une dizaine d’années. Citons entre autres Rubber, une comédie d’horreur mettant en vedette un pneu tueur en série, Wrong Cops mettant en scène le chanteur Marilyn Manson et Réalité avec Alain Chabat.