Après quelques documentaires et courts métrages, Yan Giroux propose son premier long métrage de fiction intitulé À tous ceux qui ne me lisent pas, un film qui se concentre sur la vie de bohème du défunt poète québécois Yves Boisvert. Méconnu du grand public, ce cofondateur du Festival de poésie de Trois-Rivières est décédé en 2012 après avoir publié une cinquantaine d’ouvrages dont Les Chaouins, en collaboration avec son amoureuse Dyane Gagnon. Leur relation amoureuse – et créatrice – sert de base au scénario consigné par le romancier Guillaume Corbeil. Martin Dubreuil joue le poète, Céline Bonnier sa muse. De passage à Québec, le quatuor a donné des détails sur la fabrication de ce film beau et surprenant qui prend l’affiche au Clap le 23 novembre.
Yan Giroux : « Yves a laissé une trace particulière dans ma vie. Je l’ai rencontré adolescent et il a changé mon parcours. Le film est né au moment où Yves était malade. Je voulais faire un documentaire et finalement, en rencontrant Guillaume, on s’est lancé dans l’aventure de fiction. On a voulu transcender les clichés autour du poète maudit avec de l’humour et de la vivacité. Sa vie, c’était aussi un combat contre la souffrance. Martin Dubreuil a un parcours plus rough et un background plus intéressant que bien des acteurs au Québec et ça, ça paraît à l’écran, ça sert le personnage. C’est pourquoi on l’a choisi parmi plus de 30 acteurs vus en audition. Je pense que présentement la poésie a un regain de popularité en milieu urbain. L’ère est propice à un retour de la poésie dans nos vies. Les gens ont envie, je crois, de voir du monde qui se bat pour ce qu’on pourrait appeler l’idée de la beauté. »
Guillaume Corbeil : « C’est librement inspiré de la vie d’Yves Boisvert et c’est davantage transmettre sa pensée, en fait, qu’on voulait reproduire à l’écran. On voulait se questionner sur le rôle du poète, son combat, les questions qu’il pose, qu’il nous renvoie. Le jour même où la SODEC nous a confirmé son appui financier, j’ai croisé Martin Dubreuil dans la rue avec sa Old Milwaukee à 14 h de l’après-midi. Le déclic a été instantané. Martin correspondait parfaitement au rôle. Ha, ha! Ce film est un pari, car faire un film sur un poète, c’est risqué. La réponse des gens qui le voient jusqu’à présent est formidable. Mais c’est vrai qu’à la base, un tel sujet, c’est moins vendeur alors il faut travailler plus fort pour donner envie aux « moldus » de venir voir ce long métrage. »
Céline Bonnier: « Dyane, c’est la femme qui a accompagné Yves les vingt dernières années de sa vie. Hier, à Sherbrooke, je l’ai rencontrée pour la première fois. Je lui disais que je la voyais comme une femme enracinée, tout le contraire d’Yves en fait. Elle m’a répondu et c’est un drôle de hasard, qu’Yves l’appelait justement « toé, l’enracinée ». Le film évoque la vie d’un poète québécois d’aujourd’hui, mais il offre surtout un regard sur ce qu’on est en train de construire comme monde. Ça pose un regard sur le monde trop formaté dans lequel on vit et de l’art qui peut nous changer; le tout avec une grande simplicité et des images très poétiques. »
Martin Dubreuil : « Je me suis rapidement reconnu dans ce personnage. Comme lui, j’ai déjà eu un mode de vie nocturne avec tout ce qui vient avec. Je savais, en tournant les scènes, comment on se sent dans le milieu des arts ou des bars, je connaissais ces situations. Je n’ai pas connu personnellement Yves Boisvert et pourtant, on fréquentait le même monde et les mêmes endroits. Le film a plusieurs couches et il faut le voir pour bien comprendre l’esprit, car tenter de le résumer, c’est difficile. Il faut vivre l’expérience. »