La Grande Noirceur, c’est le titre du quatrième long métrage de Maxime Giroux. Un film qui prend l’affiche le 25 janvier et qui fait suite au beau succès obtenu avec son précédent, Félix et Meira, drame doux et amer portant sur une romance compliquée entre un Québécois pure laine et une Juive hassidique. Malgré le succès critique de ce dernier, film qui avait fait le tour du monde dans les différents festivals de cinéma, le réalisateur s’est vu refuser par la SODEC le financement de son prochain long métrage. En compagnie de Simon Lavoie et d’Alexandre Laferrière, Maxime s’est alors lancé dans l’écriture d’un nouveau projet qu’il allait réaliser dans l’urgence, portant le titre de La Grande Noirceur.
Voici ce que le cinéaste avait à nous dire au sujet de sa nouvelle production au propos sombre et aux images lumineuses d’une Amérique en perte de repères.
Le Clap : Votre film, qui met à nouveau en vedette Martin Dubreuil dans le rôle principal (aux côtés de Romain Duris et Reda Kateb), est le résultat direct du refus de la SODEC de financer un autre projet de film, non?
Maxime Giroux : Tout à fait. Je ne suis ni le premier ni le dernier à essuyer un refus de la SODEC mais oui, ça m’a poussé à faire La Grande Noirceur avec une énergie nouvelle, un très petit budget et une petite équipe pour m’appuyer. On désirait le tourner rapidement, car après les trois refus de financement de l’institution, je ne voulais pas retourner dans un processus de deux, trois, voire quatre ans pour lancer un autre projet de film. Félix et Meira a gagné plein de prix. J’avais envie qu’on me fasse confiance, mais ce n’est pas arrivé, alors tant pis. Comme cinéaste, j’aime tourner et j’ai eu la chance d’avoir l’appui de Téléfilm Canada. Tout s’est emboîté très rapidement par la suite pour concrétiser le tournage.
Le Clap : En centrant l’histoire sur le personnage de Philippe, un déserteur qui fuit la conscription en participant à un concours d’imitateurs de Charlie Chaplin dans le fin fond des États-Unis que vouliez-vous dire?
MG : Je voulais établir un parallèle avec l’ère Trump. On voulait faire un film déstabilisant, ancré dans l’actualité malgré le contexte historique du récit. Ça commence avec un discours de Charlie Chaplin pour The Great Dictator et l’intolérance qu’il dénonçait jadis, bien on est encore dedans aujourd’hui, comme si presque rien n’avait changé. On pense à fermer les frontières, c’est un constat d’échec à l’échelle mondiale. L’humain semble avoir besoin du pouvoir et de la violence qui s’incarnent dans mon film par les personnages étranges que Philippe croise sur sa route. Notre scénario est le résultat d’une pensée critique face à l’ère dans laquelle l’Amérique et le monde occidental semblent plongés actuellement.
Le Clap : Votre film est assez glauque dans son ensemble et ça peut déstabiliser plus d’un, non?
MG : Effectivement et je l’assume. Il est fataliste et pas très porteur d’espoir. Le seul qui rêve, c’est le vendeur qui mise que sur le capitalisme, c’est dire. Le Québec a longtemps échappé à un système porté vers le capitalisme sauvage qui lui provient du modèle anglo-saxon. Et là, ça nous rattrape littéralement. On joue cette game. Le Québéc inc., pour moi, c’est une dérive et ça nous fait perdre notre identité profonde. L’imitation de Chaplin, c’est notre perte d’identité culturelle, le tout filmé dans des décors naturels de la Californie et du Nevada. On n’a rien changé. Ce qu’on voit dans le film, c’est l’Amérique d’hier, mais qui est encore là aujourd’hui. On a filmé une ville décrépie qui a déjà été la plus riche au monde lors de la ruée vers l’or.
Le Clap : Quelles sont vos attentes avec La Grande Noirceur?
MG : Je suis conscient que mon film peut faire un peu chier le public et qu’il n’est pas très vendeur dans son ton. Mais j’avais envie de brasser les spectateurs. Le cinéma, indépendant du moins, c’est le dernier endroit où on peut se permettre d’être encore audacieux. Ceux qui voient mon film l’aiment ou le détestent. Il a le mérite de ne laisser personne indifférent et j’en suis très content. C’est important de faire des œuvres avec une signature forte et éviter de toujours réconforter le spectateur.
Le prochain long métrage de Maxime Giroux est en demande de financement, une fois de plus, et racontera l’histoire du scandale financier de Norbourg et de Vincent Lacroix. Le film sera à vocation plus commerciale, à plus gros budget, et mettra en vedette Alexandre Landry et Vincent-Guillaume Otis.