Le producteur Pierre Even (Item 7) l’avoue, travailler avec Kim Nguyen est une tâche aussi fascinante qu’imprévisible, car le réalisateur québécois (qui a déjà habité dans la Vieille Capitale) arrive toujours avec un nouveau projet de film inusité, inattendu, poursuivant une trajectoire de création très difficile à anticiper, mais non moins passionnante.
Le nouveau film de Kim Nguyen, The Hummingbird Project, met en vedette Jesse Eisenberg, Alexander Skarsgard et Salma Hayek. Il raconte les déboires de deux cousins qui, bravant le milieu boursier avec une nouvelle technologie, tentent de relier par un réseau de fibre optique le Kansas au New Jersey et dans le but de faire un coup d’argent.
Alors que The Hummingbird Project, 7e long métrage du réalisateur de Rebelle et de Two Lovers and a Bear, prend l’affiche en Amérique du Nord (dans plus de 400 salles), son producteur, Pierre Even, l’homme derrière les succès de C.R.A.Z.Y. et Bon Cop Bad Cop 2 a bien voulu revenir sur la production de cette comédie dramatique dotée d’un budget de 16 millions de dollars.
Éditions Le Clap : Pierre, Kim Nguyen semble toujours nous arriver avec des films aux scénarios singuliers et fort différents chaque fois. C’est votre perception?
Pierre Even : Absolument. C’est assez rare qu’on n’est pas surpris avec Kim. Il est très curieux et souvent un petit détail va l’accrocher. Ensuite, il en tirera un scénario surprenant. Pour Hummingbird, Kim a lu un article sur le High-Frequency Trading et il a accroché là-dessus. Mais son film parle aussi et surtout de notre obsession pour la réussite et l’argent même si, au départ, le sujet est un fait divers qui n’aurait accroché personne sauf lui. Avec Kim, c’est toujours de l’inattendu. Je me souviens, dès Le Marais, son premier film, on se demandait qui avait écrit cet ovni-là. Depuis ses débuts, il a une approche iconoclaste face aux divers phénomènes sociaux.
ELC: Le film est une coproduction entre le Québec et la Belgique. Les Américains, malgré la présence au générique de grosses pointures hollywoodiennes, ne sont pas impliqués, c’est étonnant.
PE : En fait, il y a beaucoup de règles entourant les coproductions et les avantages sont nombreux quand on travaille avec des Européens. Alexander Skarsgard est suédois et Salma Hayek a un passeport français. Pour faire simple, juste avec eux comme têtes d’affiche, ça nous permettait d’être en règle avec les consignes de financement des coproductions canadiennes et d’avoir davantage de budget grâce à ce partenariat avec un pays là-bas, dans ce cas-ci la Belgique.
ELC : The Hummingbird Project est une comédie dramatique, un film québécois tourné en anglais avec des acteurs internationaux et portant sur un sujet très technologique à la base. Comme producteur, comment peut-on vendre ce genre de long métrage aux différents partenaires, diffuseurs et salles de cinéma?
PE : La nature du film et son générique nous permettent de le placer dans le rayon des films indépendants américains et de s’attaquer à ce marché avec une stratégie bien précise. Exemple, la sortie aux États-Unis se fait graduellement. D’abord, on vise New York et Los Angeles pour quelques salles seulement. Un mois plus tard, on espère grimper le tout à 400 salles. Donc, hausser le nombre de copies, petit à petit, vaut mieux que d’en perdre d’une semaine à l’autre. L’idée, c’est qu’au lancement les salles soient pleines. C’est plus facile à réaliser avec peu de salles qu’avec des centaines. Il faut créer la demande avec une petite offre de départ. Et bien sûr, nos trois comédiens vedettes vont attirer l’attention sur le film de Kim et c’est tant mieux.
ELC : Au Québec, le film sort de quelle façon?
PE : En version originale anglaise, en version doublée et quelques-unes avec sous-titres. Bref, on aura le choix et c’était important pour nous.
ELC : Quelle touche personnelle Kim a-t-il mis dans The Hummingbird Project?
PE : C’est son film le plus accessible pour le grand public pour ce qui est du ton, c’est-à-dire la comédie et l’aventure. En même temps, Kim apporte une forte dose d’imprévu dans son récit comme c’est son habitude. Sa marque de commerce, c’est aussi la note d’espoir qu’il insuffle dans toutes ses réalisations. Il faut se souvenir que malgré toute la dureté du sujet dans Rebelle, le film finissait bien. Dans Hummingbird, l’humanité des personnages finit toujours par ressortir.
ELC: Comme Denis Villeneuve et Jean-Marc Vallée, Kim Nguyen est-il appelé à aller travailler chez nos voisins du Sud dans un avenir rapproché?
PE : Je travaille toujours pour ne pas qu’on le perde, mais selon moi, il sera appelé très rapidement à réaliser de gros films hollywoodiens. Kim est un hyperactif, il mène toujours de front trois ou quatre projets et il va continuer à le faire même si Hollywood tente de le séduire. Donc, nous, notre défi, c’est de garder les Kim, les Xavier (Dolan) et autres talents d’ici avec des projets ambitieux que nous pourrons produire avec l’aide des gouvernements. Pour Jean-Marc et Denis, il est un peu trop tard. Mais les projets à 30 millions, réalisés ici au Québec, on est capable d’y arriver d’après moi. Et je peux vous assurer que Kim a encore la volonté de réaliser des films ici.