Avec Le Chant des noms (The Song of Names), le réalisateur François Girard nous offre son septième long métrage. En 2017, sa dernière production, Hochelaga, terre des âmes, n’avait pas totalement convaincu les cinéphiles car, rappelons-le, le long métrage était conçu comme un hommage historique à la métropole qui fêtait alors son 375e anniversaire. En entrevue pour la promotion de son nouveau film, le cinéaste affirme qu’il a hésité à se lancer dans l’aventure du Chant des noms, car son récit semblait presque être trop conçu pour lui, à savoir qu’il relatait une histoire évoquant plusieurs époques, lieux et personnages avec en son cœur la musique. Un univers qui nous rappelle inévitablement Le Violon rouge, Trente-deux films brefs sur Glenn Gould ou encore Le Virtuose. Voici en résumé ce que François Girard avait à nous dire sur sa nouvelle réalisation qui prendra l’affiche au Clap, à Québec, le 10 janvier.
PB : François, comment êtes-vous tombé sur cette histoire qui est au départ un livre écrit par Norman Lebrecht?
FG : Le scénario signé par Jeffrey Caine m’a été présenté, puis nous avons travaillé dessus presque deux ans avant d’entamer le tournage.
PB : Quand on lit le résumé du récit, ça semble avoir été écrit pour vous, non?
FG : Presque trop en fait. J’ai même eu une réserve à me lancer dans l’aventure. On dirait que les films de musique me courent après 9rire). Mais j’ai découvert un texte profond, une mission de mémoire, un devoir de dire ces choses à travers des personnages, et ce, avec l’Holocauste en toile de fond. Dans le film, on va suivre deux personnages sur 40 ans, amis d’enfance aux destinées différentes mais ayant tous deux la passion de la musique.
PB : D’illustrer une telle histoire à travers différentes époques et des personnages qui vieillissent, c’est un gros défi pour la production. Ça ne vous fait pas peur?
FG : C’est vrai pour tous les films en fait, on s’attaque à un projet dont on ne sait pas vraiment la finalité. L’aspect musical m’apparaissait assez simple et le défi était plutôt de faire en sorte que les six acteurs qui jouent les deux personnages principaux à trois époques de leurs vies forment des duos qui fonctionnent. Tim Roth avec sa force et Clive Owen avec son charisme, c’était facile de travailler avec eux, mais les jeunes qui interprétaient Martin et Dovidl dans leur jeunesse, il a fallu faire un gros casting et bien les choisir.
PB : The Song of Names, comme plusieurs de vos projets filmiques, est une coproduction canadienne, allemande, hongroise et britannique.
FG : Oui, mais c’est avant tout un film canadien. La photo, le montage, le son et les décors notamment sont assurés par des Québécois qui travaillent régulièrement avec moi. Mes acteurs sont britanniques, mais il y a vraiment une grosse part du film qui est québécoise.
PB : La production de longs métrages a beaucoup changé ces dernières années avec l’arrivée des plates-formes et la mainmise des films à effets spéciaux et de superhéros dans les salles, ça vous affecte?
FG : C’est surtout les distributeurs et les diffuseurs qui sont impliqués dans les changements qui s’opèrent actuellement et c’est vrai que ça bouge très rapidement. Mais moi, je passe du cinéma à l’opéra, d’une forme d’art à l’autre, sans réelle difficulté. Je suis avant tout un raconteur d’histoires. Il faut voir le positif dans l’évolution du cinéma et Hollywood doit inévitablement s’adapter.
PB: Quel plus beau souvenir gardez-vous du tournage du Chant des noms?
FG : C’est définitivement la visite de Treblinka, le camp d’extermination. Pendant la préparation du film, je suis allé là-bas avec mon scénographe François Séguin et ce fut un choc. J’ai alors vu comment je devais tourner la scène du film qui s’y déroule et dans le livre et dans le scénario. Une scène écrite au départ de façon très bavarde et qui, au final, est devenue une scène sans dialogue. Ça devait se faire ainsi, car l’intensité qui se dégage de ce lieu l’imposait. Le Chant des noms est d’ailleurs le tout premier film à être tourné à Treblinka.