Rêves de jeunesse prend l’affiche au Clap, le 24 janvier. Ce film français, sorti l’an dernier dans l’Hexagone, relate un été dans la vie d’une jeune femme, Salomé, qui retourne séjourner dans le Verdon, là où elle a vécu une partie de sa jeunesse. Joué par la Belge Salomé Richard, le personnage au même prénom décide de poser ses pénates dans une déchetterie où elle se fait offrir un petit boulot.
Au Québec, ce lieu inopiné porte le nom d’écocentre, de dump ou encore de cour à scrap. Le cinéaste français Alain Raoust, accompagné de son actrice, a bien voulu revenir sur la réalisation de ce drame social ensoleillé.
Le Clap : Alain, votre dernier long métrage, celui précédant Rêves de jeunesse, remonte à 2007. Qu’est-ce qui explique ce temps d’attente avant cette nouvelle réalisation?
Alain Raoust : Oui, ça fait un gros douze ans d’écart tout ça. En fait et c’est un grand classique, j’ai eu de la difficulté à trouver du financement. Alors j’ai voyagé. Je suis allé au Yukon, en Alberta, en Grèce, en Roumanie. Bref, j’ai vécu et j’ai beaucoup écrit.
Le Clap : Votre film raconte les aléas de Salomé qui fait la rencontre de jeunes de son âge aux destinées fort différentes. Certains semblent coincés dans ce coin perdu et d’autres, au contraire, ont l’air libres. Qu’est-ce qui vous a inspiré?
AR : Je suis parti d’un lieu, la déchetterie, et d’un événement politique qui, à la suite de violence policière, a entraîné la mort d’un militant qui manifestait contre un projet d’aménagement urbain nuisible. C’est ce qui m’a inspiré à la base. Et j’avais envisagé Salomé pour le rôle principal dès le départ.
Salomé Richard : Oui, je me rappelle nos premières rencontres. Alain m’avait montré des photos de trains, celles du photographe Mike Brodie qui sont très inspirantes. C’était un peu pour mettre en images le monde qu’il voulait illustrer de façon très affranchie et sauvage. Et ça m’a beaucoup parlé.
Le Clap : Votre film peut être vu comme un long métrage pour ados, mais il est plus que ça, non?
AR : Tout à fait. Il touche à bien des choses, dont les questionnements qui alimentent les discussions des jeunes et des plus vieux à notre époque. Je vote, je ne vote plus, les répressions policières, etc. Quand je préparais Rêves de jeunesse, les gilets jaunes n’étaient pas encore dans la rue. Il y a un beau hasard au final.
Le Clap : Votre long métrage est tout sauf un film parisien. Vous montrez la vie des jeunes en région. C’était important d’aborder tout cela dans une fiction qui parfois a des airs de western minimaliste?
AR : Oui, tout à fait, et ce qu’on ne soupçonne pas en général, c’est que les jeunes qui décident de rester en région, à la campagne, en forêt, en font maintenant des zones de lutte, des zones où l’on vit en retrait de ce que la société nous impose pour mieux réinventer notre façon de vivre et penser différemment la vie communautaire. Changer de mode de vie, se le permettre, c’est vraiment ce que je voulais illustrer. Célébrer le vivant au final.
Le Clap : Salomé, que retenez-vous du tournage, car le décor qui habite chaque scène de Rêves de jeunesse est un personnage en soi?
SR : Ah oui, je me souviens des montagnes, du ciel, du soleil des vallées du Verdon. Toutes les scènes du film sauf deux ont été tournées en extérieur, en plein jour souvent. J’ai été éblouie. Le jour, il faisait chaud et le soir très froid. Tout ça, on le ressent dans notre jeu, dans notre façon d’incarner notre personnage. Bref, le territoire, son décor et son climat ont participé grandement à donner une couleur incroyable et unique à Rêves de jeunesse.
Cette entrevue a été réalisée dans le cadre de la 22e édition des Rendez-vous du cinéma d’UniFrance 2020, à Paris.