La Fameuse Invasion des ours en Sicile, c’est à la base un conte de Dino Buzzati, écrivain italien bien connu pour Le Désert des tartares. C’est maintenant un dessin animé signé de la main d’un des maîtres du 9e art, Lorenzo Mattotti. L’histoire raconte comment Tonio, le fils du roi des ours, est enlevé par des chasseurs dans les montagnes de Sicile et comment l’empereur décide alors d’envahir la plaine où habitent les hommes afin de sauver son rejeton.
Rencontre avec Lorenzo Mattotti, artiste de grand talent qui a mis des années à peaufiner ce long métrage d’animation aux couleurs lumineuses et aux personnages animaliers attachants.
Le Clap : Votre film est l’adaptation du conte La Fameuse Invasion de la Sicile par les ours (NDLR : titre légèrement différent de celui du film) de Dino Buzzati datant de 1945. C’est un conte qui a marqué votre enfance italienne?
Lorenzo Mattotti : Oh oui. Ça a été une grande inspiration et pour le texte et pour les illustrations. On connaît peu le talent de dessinateurs de Buzzati qui a, de plus, une façon unique de raconter des histoires. Mon dessin animé est parti de son univers littéraire et graphique.
Le Clap : Dans le dessin animé Peur(s) du noir,œuvre collective sortie en 2007, vous étiez plusieurs artistes à travailler sur vos différentes parties. Avec cette adaptation, vous étiez seul aux commandes. Le défi était plus grand, plus lourd inévitablement?
LM : Oui vraiment. J’ai passé cinq ans à travailler sur ce film et pour moi c’est très long. Mais c’était important d’arriver à ce résultat, une grande histoire conçue pour les jeunes. À la base, il y avait un bel intérêt de ma part et des producteurs, soit la question de faire en sorte que ce patrimoine italien ne tombe pas dans l’oubli. Et dans la facture visuelle du film, c’était important d’avoir quelque chose d’intemporel. Et même dans le récit aussi. Les jeunes sont ouverts à ça. Il faut leur faire connaître les grands classiques.
Le Clap : Le budget de votre long métrage est de 11 millions d’euros. Dans le domaine de l’animation, c’est peu, non?
LM : Ça peut paraître beaucoup pour un film européen mais oui, pour un dessin animé de ce type, c’est peu. Nos personnages sont en 2D d’ailleurs. C’est évidemment moins cher, mais heureusement, le budget sert à s’entourer d’une belle bande de collaborateurs dont plusieurs avaient travaillé sur La Tortue rouge. On a essayé tous ensemble de faire de ce dessin animé un grand spectacle pour le grand écran. Je suis très fier du résultat, mais ça a été une longue aventure.
Le Clap : Avez-vous envie d’en faire un autre ?
LM : Hum, si l’aventure justement ne durait que deux ans plutôt que cinq ou encore si j’avais 30 ans plutôt que le double, oui. Mais sinon, l’illustration m’attend et j’ai hâte de retourner dans mon atelier et de recommencer à faire de la peinture.
Le Clap : Quelles sont vos principales influences en illustration, en BD ou en dessins animés?
LM : Mes influences sont celles de quelques grands peintres comme Francis Bacon et aussi des dessinateurs de BD sud-américains impressionnistes. Il y a également Disney le visionnaire, Miyazaki, Yellow Submarine et Roland Topor qui ont été importants pour moi.
Le Clap : Le film est une coproduction entre la France et l’Italie. Comment va l’industrie italienne du cinéma actuellement?
LM : J’ai beau vivre en France, je sais que la situation n’est pas rose. Le cinéma italien s’est replié sur lui-même depuis plusieurs années. En gros, le cinéma italien actuel se limite aux comédies populaires qui ne s’exportent pas vraiment. Mais heureusement il y a quand même Garrone, Sorrentino, Moretti et Pietro Marcello qui font des films très intéressants.
La Fameuse Invasion des ours en Sicile sera à l’affiche au Clap dès le 28 février.
Cette entrevue a été réalisée sur invitation, dans le cadre de la 22e édition des Rendez-vous du cinéma d’UniFrance 2020, à Paris.