Depuis quelques années, l’industrie du cinéma, autant à Hollywood qu’en France, démontre un intérêt majeur envers le marché chinois. Les milliers de salles des multiplex chinois et leur « imposant sino-public » s’y engouffrant chaque semaine font rêver les grands bonzes d’Hollywood et bien entendu ceux de l’Hexagone. Mais ce marché n’ouvre les portes de ses salles qu’à un nombre restreint de films étrangers chaque année. Ainsi, la lutte est féroce entre les productions étrangères voulant s’y faire une place. Or, il n’y a point de surprise lorsqu’on constate la hausse de coproductions franco-chinoises lancées depuis quelques années, sachant que ces partenariats aideront, bien sûr, à assurer la distribution d’un film étranger à plus grande échelle sur le territoire chinois.
La plus récente réalisation du cinéaste français Philippe Muyl, Le Promeneur d’oiseau, relatant l’aventure et le clash générationnel entre un grand-père et sa petite-fille dans la campagne chinoise, est d’ailleurs une coproduction entre la Chine et la France. L’initiative du projet est cependant venue d’un producteur français, résidant en Chine, qui voulait surfer sur l’immense et inattendu succès du film précédent de Muyl, Le Papillon mettant en vedette Michel Serrault, vu par environ 20 millions de Chinois voilà plus de dix ans. C’est d’ailleurs lors d’un voyage en Chine que le réalisateur a appris que son long métrage avait connu un succès remarquable là-bas grâce au piratage et aux versions clandestines qui circulaient sous le manteau. Muyl, acceptant l’idée de tourner une œuvre sur place, s’est installé quelques mois là-bas afin de mener à terme ce projet qui allait s’intituler Le Promeneur d’oiseau. Depuis, les ententes entre la France et la Chine se multiplient. Lucy de Luc Besson a profité d’une imposante sortie en salle, attirant 7 millions de spectateurs. Récemment, Le Dernier Loup de Jean-Jacques Annaud a de son côté fracassé un record en cumulant 12 millions d’entrées. Et même si l’impact du Promeneur d’oiseau en Chine n’égale en rien celui des films de Besson et d’Annaud, il a été choisi en 2014 pour représenter la Chine dans la catégorie Meilleur film en langue étrangère aux Oscars.
Interrogé à Paris, Philippe Muyl souligne être très fier de son film. Celui qui s’était fait connaître en adaptant au grand écran Cuisine et dépendances, une pièce du tandem Jaoui-Bacri, avait à cœur la mise en images de cette histoire basée sur de nombreux contrastes. Le grand-père et sa petite-fille n’ont évidemment pas les mêmes habitudes de vie, mais en plus l’un est passionné par la nature et la campagne, et l’autre n’a connu que le bitume des grandes villes comme environnement depuis sa naissance. Le
cinéaste précisera ainsi ses intentions : « La solitude, le besoin de tendresse, la quête d’amour, c’est ce qui m’intéresse, c’est ce que j’aime mettre dans mes films, et ce, je l’espère, sans trop me répéter. Et à travers les contrastes qui donnent du relief au récit, c’est l’oiseau, au cœur de tout ça qui fait le pont entre mes deux personnages ». À ce propos, il ajoutera : « Les oiseaux sont très présents dans le quotidien des Chinois, ce sont de vrais animaux de compagnie pour eux, C’est une chose très importante dans leur vie ».
Le Promeneur d’oiseau fait aussi écho aux changements sociaux qui affectent la Chine depuis son ouverture au reste du monde. Philippe Muyl a d’ailleurs pu constater lors de son séjour là-bas à quel point le pays s’est jeté corps et âme dans la surconsommation et la surproduction pour oublier la dictature. Il conclura la rencontre en soulignant à quel point l’abondance, la consommation à outrance, inutile et omniprésente, l’écœurent profondément. « Je trouve ce phénomène scandaleux, mais vous savez, on ne peut faire la morale aux Chinois là-dessus, nous sommes au cœur de tout ça et eux, ils ont été privés de tout tellement longtemps. Pour eux, c’est comme profiter d’une certaine forme de liberté qui leur était jusqu’à tout récemment inaccessible ».
L’entrevue avec Philippe Muyl a été rendue possible grâce à UniFrance.