Un cinéaste à suivre !

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Prenant l’affiche vendredi, La Marche à suivre est un très beau documentaire de l’ONF réalisé par Jean-François Caissy. Originaire de la Gaspésie, le cinéaste est retourné dans son coin de pays pour y tourner son troisième film devenu, au fil du tournage, un portrait de groupe contemplatif ne suivant aucun personnage en particulier, mais focalisant sur l’âge ingrat, celui de l’adolescence. Dans son long métrage précédent, La Belle Visite, Caissy s’était intéressé au troisième âge avec pour décor un foyer comme on en voit souvent. Cette fois-ci, il s’introduit à l’intérieur de son ancienne école secondaire, dans le bureau de direction, montrant dans l’intimité la dynamique des rencontres entre les autorités scolaires et différents jeunes aux prises avec diverses problématiques (turbulence, violence, harcèlement, etc.). À travers ces témoignages, le film s’attarde aussi aux activités extra-muros des jeunes Gaspésiens où les rides de VTT dans les pits de sable font partie du quotidien.

Rencontré à Québec, cette semaine, Jean-François Caissy semble très satisfait du résultat, tellement qu’il souligne qu’au montage de La marche à suivre, l’idée lui est venue de poursuivre sa démarche d’observation générationnelle dans ses trois prochains films. Déjà, il est au travail pour celui qui portera sur les 18-25 ans. Sans s’étendre plus longtemps sur Caissy_Jean-Francois_01ce nouveau projet, il revient sur ce qui fait la particularité de La Marche à suivre, c’est-à-dire les confessions sans pudeur des adolescents appelés dans le bureau de direction. « Les jeunes ont accepté de laisser la caméra les filmer sans qu’on n’ait besoin de les convaincre, possiblement par besoin d’attention, une attention qui ne venait pas de l’école elle-même ou des parents », dira-t-il. « Pour eux, aller dans le bureau du directeur, ils ne voient pas ça comme un drame, ce ne sont que des petits problèmes. Et même pour le cas du harcèlement vu dans le film, et sans vouloir minimiser le phénomène, ça fait partie de la période de l’adolescence », d’ajouter le réalisateur.

La démarche documentaire de Jean-François Caissy n’est pas sans rappeler celle de Nicolas Philibert (Être et avoir) ou de Raymond Depardon (10e chambre, instants d’audience), des créateurs qu’il avoue admirer. Le Gaspésien d’origine a le même souci qu’eux d’éviter toute tendance moralisante ou de tourner de façon condescendante ses sujets. Mais là où il se démarque des deux documentaristes français, c’est dans sa signature poétique, à l’origine de tableaux naturalistes, lents, qui parsèment ses œuvres, surtout cette plus récente réalisation.

Avec le feu vert de la direction de l’école, Caissy  a pu prendre son temps pour tourner les images de son film (70 jours de tournage étalés sur une année scolaire) afin d’obtenir le résultat escompté. Et quand on lui demande pourquoi n’avoir montré que des élèves en difficulté, la réponse du cinéaste ne se fait pas attendre :  « Sans tomber dans le drame social, je tenais à plonger dans l’adolescence, une période que personne ne veut revivre, une zone grise de la vie, un long moment où l’on se cherche, où l’on ne se connaît pas du tout. J’ai choisi de filmer des jeunes avec des problèmes, car quand ça va bien à l’école, on ne rencontre pas le directeur et y a rien à montrer. Dramatiquement, les problèmes, c’est plus fort et c’est ce que je voulais offrir avec La Marche à suivre. Et tout ça, pour moi, c’est bien moins triste que des jeunes qui se promènent ensemble avec des iPod et qui ne se parlent même plus. J’aime mieux les voir explorer la vie, même si parfois ils se pètent la gueule ».

D’un genre à l’autre

En octobre dernier, sur ce blogue, je résumais tout le plaisir que j’avais eu à voir le film L’Amour est un crime parfait des frères Larrieu, une comédie noire et alpine qui m’a 479126totalement séduit. Un autre film français que personne n’attendait, ni moi d’ailleurs, m’a également procuré récemment beaucoup de bonheur. Il s’agit de Pas son genre, la toute dernière réalisation du Belge Lucas Belvaux qui n’aura eu qu’une semaine de vie sur nos écrans. Pourquoi ai-je tant aimé ce film ? Peut-être parce que je retrouvais dans cette histoire un peu de l’univers de La Discrète avec Fabrice Luchini, une œuvre qui m’avait totalement fasciné à l’époque. Racontant la relation amoureuse improbable entre un prof de philosophie et une coiffeuse Pas son genre mise sur le talent du tandem formé de Loïc Corbery (une découverte) et d’Émilie Dequenne (révélée dans Rosetta). Adapté du livre de Philippe Vilain (dont j’ai adoré les romans précédents, tiens donc !) Pas son genre est à ranger dans le lot des drames romantiques en apparence banals, mais qui examinent avec une fine intelligence et une cruelle douceur le phénomène de l’amour et de l’attirance et de la pérennité d’un couple que tout sépare. Hélas, comme c’est souvent le cas avec ce genre de petits films étrangers sortant discrètement en salle, le film n’a pas eu une longue vie en salle. Mais bon, coup de coeur oblige, il fallait que j’en glisse un mot puisqu’on aura l’occasion de le revoir dans quelques mois en DVD, sur une plateforme Web ou à la télé.

Plus localement et dans un autre ordre d’idées, le projet de documentaire Surfer sur la grâce de David B. Ricard a atteint son objectif de 15 000 $ en dons versés via la plateforme de sociofinancement Kickstarter. Une somme obtenue à l’arraché lors des trois derniers jours de campagne alors que plus de 3 000 $ ont été déposés durant ce dernier droit. Rencontré cette semaine à Limoilou, le quartier qu’il habite, le cinéaste résumait ainsi la finale de sa campagne de financement : « Passé le cap du 10 000 $, les dons ont déboulé, comme si les gens attendaient d’y croire avant de donner. Quand on a atteint le chiffre de 10 000, les gens se sont dit qu’ils ne donneraient pas leur argent pour rien, ils y croyaient, comme si avant ça, ils ne voulaient pas être associés à une possible défaite. C’est mon explication, mais ça, je le dis sous toute réserve ». Près de 50 % des dons proviennent de personnes que je ne connais pas du tout, c’est quand même incroyable » d’ajouter David qui prévoit finir la postproduction de son film en avril prochain.

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David et Louis Ricard, crédit photo Léo Lecours-Pelletier.

En cinéma, 15 000 $, c’est peu, mais c’est assez pour permettre à un réalisateur indépendant de finaliser un projet, de faire l’étalonnage des couleurs, le sous-titrage et autres détails techniques qui rendront le film plus attrayant. L’apport des réseaux sociaux a beaucoup aidé à atteindre l’objectif, David y a cru et avec sa petite équipe, ils ont travaillé chaque jour pour alimenter le site du film avec de nouveaux extraits du documentaire afin de séduire d’éventuels donneurs. « On a reçu l’appui de gens qui aiment le cinéma, de ceux qui aiment la planche à roulette aussi. La formule Kickstarter a un schéma bien précis. On savait que les dons plafonneraient à un moment donné et qu’il fallait relancer nos supporters potentiels et autres curieux  pour atteindre le cap du 10 000 et rendre le tout possible. Le fait que le projet soit en français n’a pas aidé non plus à aller chercher des dons à l’étranger. Ce qui nous a sauvés, c’est le sujet sportif du film qui a attiré les fans de skate et de slalom », d’ajouter le jeune réalisateur. Maintenant, David vise la participation de son film en avril à Visions du réel, un festival consacré aux documentaires situé à Nyon, en Suisse. Bref, c’est une histoire à suivre pour un cinéaste talentueux qui ne surfe pas seulement sur la chance, mais aussi sur l’effort continu et passionné de son équipe dans ce projet.

En terminant, contre vents et marées, à savoir la pléthore de films destinés aux oscars et à la faste période des Fêtes et qui envahiront les écrans dans les semaines à venir, il faut souligner la présentation au Clap et au Musée de la civilisation des 13es Sommets du cinéma d’animation de Québec, du 27 au 30 novembre. Dans cette même veine, discrètement et tout en ayant à coeur l’ouverture aux cinématographies étrangères, le Clap présente à nouveau le Festival du film roumain, du 28 novembre au 4 décembre. Il s’agit d’actes de résistance à l’hégémonie du cinéma comme la présentation ces derniers jours de la première édition du Festival du film de l’Inde au MNBAQ. À Québec, les amateurs de cinéma peuvent donc encore voyager à bas prix dans l’exotisme du 7e art.

Bande-annonce de Bobby Yeah, un film d’animation de Robert Morgan, présenté le samedi 29 novembre au Clap dans le cadre des Sommets de l’animation :

 

Solo pour un duo

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Bien connus des cinéphiles québécois, Isabelle Blais et Pierre-Luc Brillant ont prouvé à de nombreuses reprises leur talent de comédiens dans des films comme Québec-Montréal pour l’une et La Run pour l’autre. Ils ont même partagé le grand écran ensemble dans Borderline, sorti en 2008. Quelques années plus tard, un autre projet allait les réunir de nouveau, non pas devant les caméras, mais bien sur une scène, celle de la Licorne, où ils allaient incarner Bob et Helena dans la pièce de théâtre Midsummer, mise en scène avec succès par Philippe Lambert.

Bientôt présentée à Québec, à la Bordée (du 25 novembre au 6 décembre prochains), Midsummer raconte l’histoire d’une avocate et d’un petit truand d’Édimbourg qui, après une aventure d’un soir et un butin volé entre leurs mains, remettent en question leurs choix de vie et leurs destinées. Comédie romantique d’origine écossaise se moquant du genre, Midsummer est une pièce qui permet à ses deux interprètes, choisis aussi pour leurs talents musicaux (Pierre-Luc fait partie du groupe Les Batteux-Slaques et Isabelle de Caïman Fu), d’interpréter sur scène neuf chansons intégrées au récit.

Rencontrés à Québec lors de leur passage pour la promotion de ce spectacle théâtral qui tourne depuis plus de trois ans, le tandem, couple sur scène comme à la ville, s’est épanché sur ce qui différencie le travail d’acteur au cinéma et au théâtre. «Au théâtre, c’est bien plus jouissif, plus nourrissant à cause de la réaction du public devant toi chaque soir. Et aussi parce que tu t’appropries un texte de qualité soir après soir. Au cinéma, le fun, c’est de finir par voir le produit final au grand écran », de résumer Pierre-Luc. Et Isabelle de préciser, « c’est plus exigeant au théâtre, ça prend beaucoup de tonus pour tenir durant 1 h 40 sur une scène. Lors d’un tournage, c’est morcelé, ce n’est pas le même souffle de jeu ». « Au cinéma, l’émotion est dans le regard, au théâtre, l’émotion est dans le corps » de poursuivre l’acteur.10676154_10152830416528126_5335369222490539207_n « Sur scène cependant, l’inconvénient, c’est qu’il n’ y a pas de deuxième chance. Tu peux facilement avoir l’impression d’avoir raté une réplique, alors là, c’est dur pour l’ego et tu ne peux même pas te reprendre comme au cinéma ».

Les deux comédiens prennent un plaisir évident à faire cette tournée de par la nature même du projet. « C’est un récit à deux voix, on est dépendant l’un de l’autre sur la scène, on joue les scènes, on fait la narration, on interprète les chansons. C’est construit comme une comédie romantique que l’on déconstruit au fur et à mesure, une comédie cynique, un peu à la Woody Allen, avec de nombreuses remises en question mais qui peut plaire à toutes les générations de spectateurs. On a travaillé en osmose pour arriver à relever ce défi. C’est du gros travail cette pièce-là, et c’est pour ça que je ne me verrai pas jouer Midsummer avec une autre comédienne qu’Isabelle », de conclure Pierre-Luc.

Isabelle Blais et Pierre-Luc Brillant tourneront à nouveau ensemble en mars prochain dans Énergie sombre réalisé par Leonardo Fuica (La Run), un film de fantômes tourné dans des lieux réputés hantés au Québec. Et on les verra au grand écran dans le deuxième long métrage de Jimmy Larouche, Antoine et Marie, un drame qui prendra l’affiche au Québec d’ici le printemps prochain.

Embrasser le grand et le petit écran

Videodrome

Depuis quelques années, de nombreux réalisateurs réputés alternent les projets conçus pour le grand écran et ceux destinés au petit écran. Parmi eux, Martin Scorsese (Boardwalk Empire), David Fincher (House of Cards), Guillermo Del Toro (The Strain) Steven Soderbergh (The Knick) et bientôt M. Night Shyamalan (Wayward Pines). Les Québécois n’échappent pas à cette tendance puisque Ricardo Trogi, Francis Leclerc et Podz jouent allègrement sur les deux tableaux tout comme Yves Simoneau et Christian Duguay à l’international.

En France, le phénomène, quoique moins répandu, pourrait aussi prendre de l’ampleur depuis l’accueil public et critique plus que favorable octroyé à P’tit Quinquin, une série de quatre épisodes réalisée par Bruno Dumont et présentée sur ARTE en France. Suivie par 1,5 million de personnes lors de sa diffusion, P’tit Quinquin relate l’enquête de deux policiers dans une petite ville de la région du Nord-Pas-de-Calais après la découverte, à l’intérieur d’une vache,  du corps démembré d’une femme. Autour de cette intrigue macabre gravite innocemment une bande de jeunes copains menée par P’tit Quinquin. 7915

Né en 1958 et lui-même enfant du nord de la France, Bruno Dumont se fait un nom dans le milieu du cinéma en 1997 avec La Vie de Jésus, un premier long métrage qui n’a rien de biblique malgré son  titre évocateur. Son second opus, L’Humanité, le met à l’avant plan du septième art mondial en remportant le Grand Prix du Festival de Cannes en 1999, récompense que Dumont recevra à nouveau en 2006 pour Flandres. En 2013, Camille Claudel 1915, son septième long métrage prend l’affiche avec pour la première fois au sein de sa distribution une « vedette  », en l’occurrence Juliette Binoche dans le rôle de la sculptrice internée. Dumont, au fil d’une carrière aussi respectée que conspuée, a effectivement misé sur des comédiens non-professionnels pour incarner les anti-héros un peu paumés habitant ses œuvres. Ses films, aux scènes lentes âpres et crues, baignent toujours dans un naturalisme qu’il se plaît lui-même à renier.

P’tit Quinquin porte évidemment sa singulière signature. Mais cette tragicomédie en quatre chapitres s’avère aussi sa création la plus loufoque, baignant dans une douce folie qui étonne autant qu’elle charme. Malgré un récit des plus macabres, Bruno Dumont met en scène des personnages attachants, imparfaits, joués par des amateurs au  jeu naturel, spontané et maladroit. C’est ce qui rend si unique cette série flirtant avec le polar absurde et qui, on l’espère grandement, aura une suite. Marquant l’entrée dans le milieu télévisuel du cinéaste, P’tit Quinquin a été lancé à la Quinzaine des réalisateurs de Cannes en mai dernier. La série a été présentée dans les salles françaises en octobre , offerte en un solide bloc de 3 heures 28 minutes, rendant plus floue la frontière séparant la télé et le cinéma. Au Québec, Funfilm distribuera la série en salle, possiblement au début de l’année 2015. Un rendez-vous à ne pas manquer!

Oh Henri !

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Henri Henri prendra enfin l’affiche vendredi prochain, le 7 novembre. « Enfin » parce que le long métrage suscite la curiosité depuis déjà plusieurs semaines grâce à sa lumineuse bande annonce largement partagée sur le Web. Sortant des sentiers battus, du moins dans notre paysage cinématographique, cette première réalisation de Martin Talbot, connu en télé pour la série Les Parent, se démarque par son atmosphère féérique et ses images colorées rappelant invariablement le travail de Jean-Pierre Jeunet sur Le Fabuleux Destin d’Amélie Poulain.

Scénariste et auteur de nombreux courts métrages depuis une quinzaine d’années, pour son premier long métrage, Martin Talbot affirme avoir été inspiré par l’existence d’un relampeur qui travaillait à Place Ville Marie à Montréal, un employé chargé exclusivement de l’entretien de tous les luminaires. L’idée germa et se développa autour d’un orphelin qui depuis l’enfance change les ampoules, un jeune homme solitaire qui possède le don de mettre de la lumière dans la vie des gens et qui tombera amoureux d’une guichetière. En entrevue plus tôt cette semaine, Martin Talbot décrira ainsi son film : « Henri Henri, c’est un conte, une sorte de fable qui fonctionne avec de nombreuses métaphores associées à chacun des personnages. Ce que j’aime faire, c’est jouer sur le drame pour aller faire ressortir le comique de certaines situations. »59_008bright

Fort d’une galerie de personnages hauts en couleur entourant Henri et profitant de décors et de costumes aussi beaux que surannés, le film ne peut éviter la comparaison avec Amélie Poulain. Pourtant, Martin Talbot affirme avoir avant tout comme première influence les œuvres des années 60 de Jacques Tati et surtout celles de Jacques Demy, comme Les Demoiselles de Rochefort. Dans le rôle principal d’Henri, Victor Andrés Trelles Turgeon (Le Torrent) se démarque par son naturel attachant, sa candeur et sa fragilité. « Pour Victor, le danger était de tomber dans la caricature lors du tournage. On a même enlevé certaines scènes pour éviter d’en faire un clown, et aller plutôt vers le style de Buster Keaton. Le danger, c’était aussi de faire de la caricature alors que je voulais toucher les gens avec cette histoire dramatique, c’est le drame de la solitude, c’est celui de vieillir sans laisser de traces », de préciser le réalisateur.

Film de genre conçu pour tous, Henri Henri ne ressemble à aucune autre œuvre de fiction québécoise. Par son originalité, on peut craindre qu’il peine à rejoindre son public lors de sa sortie en salle, alors qu’à l’inverse, son récit audacieux et rassembleur a tout pour séduire les spectateurs de tous âges. Et même si ce premier long métrage de Martin Talbot a ses imperfections, on peut quand même lui attribuer de nombreuses étoiles pour le jeu de ses interprètes, la qualité de sa direction artistique et sa mise en scène flamboyante. Des étoiles qui, en novembre, éclaireront pour 90 minutes de petit bonheur le mois des morts.

Grâce fraternelle

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Surfer sur la grâce. Réalisation, David B. Ricard.

Surfer sur la grâce, c’est le titre d’un documentaire intrigant qui devrait être lancé au courant de  l’année 2015. Réalisé par David B. Ricard, originaire du Bic. mais résidant à Québec depuis près de 25 ans, le film s’intéresse à l’univers de la planche à roulettes (skateboard) et à ceux qui pratiquent ce sport popularisé dans les années 70 sous le nom de rouli-roulant.

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David et Louis Ricard. Crédit photo, Léo Lecours-Pelletier.

Après des études en cinéma au Cégep Garneau et à l’Université de Montréal, David B. Ricard s’est lancé dans le court métrage, apprenant son métier de réalisateur en faisant de la caméra, du montage et du son au fil des différents projets qui, format court oblige, ne lui donnaient jamais assez de temps pour développer à son goût ses propres idées et scénarios. Se lancer dans un projet de long métrage allait donc de soi, tout comme le fait de se diriger vers le documentaire comme il le précise : « Surfer sur la grâce est né de deux passions : la mienne pour le cinéma et l’autre, celle de mon frère Louis, qui pratique le skateboard et qui, plus jeune, voulait tout le temps que je filme ses cascades. »

« Plus tard, grâce à son talent, Louis s’est fait un nom dans le milieu lors des compétitions de slalom, et il avait besoin d’être filmé pour ses commanditaires. C’est à ce moment-là, en captant des images de mon jeune frère pratiquant son sport que j’ai été marqué par cet état de grâce que les sportifs atteignent pour se dépasser, cet état qu’ils appellent la zone, le moment où l’athlète passe par-dessus la douleur et le stress et réalise de grandes performances », d’ajouter le nouveau documentariste. Louis Ricard, de par le sport qu’il pratique, doit atteindre cette zone très rapidement, car ses performances durent parfois quinze secondes maximum. Capter ces moments devenait la raison d’être du documentaire et le projet, avec cet aspect plus mystique, rejoignait ainsi les intérêts philosophiques de David, lui qui avait d’ailleurs étudié aussi dans cette branche, la philo, à l’Université de Montréal.

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Surfer sur la grâce. Crédit photo, Philémon Goulet.

Filmé au cours des cinq dernières années, Surfer sur la grâce a coûté jusqu’ici 25 000$ à David B. Ricard pour la location et l’achat d’équipements de tournage. Entouré d’une petite équipe, il s’est même acheté une voiture afin de suivre son frère lors de compétitions au Québec et en Ontario, interrogeant plusieurs spécialistes et athlètes qui allaient le nourrir tout au long de l’aventure. « Au fil du processus, je me suis intégré comme protagoniste. On me voit dans de nombreuses scènes en train de discuter avec mon frère, C’est là que le documentaire, au départ plutôt sportif, devient vraiment philosophique et offre une réflexion sur la vie », d’expliquer le réalisateur de 29 ans. Plus le projet avançait et plus son frère Louis s’est laissé prendre au jeu et a alimenté par lui-même les discussions avec son frangin.

En 2015, David B. Ricard entend lancer son film dans les différents festivals, ceux dédiés aux documentaires ou ceux consacrés aux films de sport. Aidé par Spirafilm, il a hâte de le présenter à Québec et ailleurs. Pour l’aider à terminer la post-production du long métrage (étalonnage, mixage, sous-titrage), il s’est inscrit à la plate-forme de financement participatif Kickstarter. La campagne de donation se terminera le 11 novembre prochain. Sur un objectif de 15 000 $, déjà près de 6 000 $ ont été amassés. La production d’un film, c’est aussi une forme de sport!

https://www.kickstarter.com/projects/861082642/surfer-sur-la-grace-surfing-on-grace

 

L’amour pour un film parfait

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Y a de ces films qui semblent être conçus pour soi, qui sont des coups de cœur bien personnels. Des œuvres dont l’histoire nous touche sans trop savoir pourquoi. Des comédiens qui nous charment au plus haut point parce que partie prenante d’un récit qui nous bouleverse, nous émeut ou simplement nous divertit de A à Z. L’AMOUR EST UN CRIME PARFAIT est justement le film qui m’est destiné, qui semble avoir été réalisé selon mes goûts personnels et pour mon seul plaisir égoïste.

Rolex

Rolex Learning Center, Lausanne, Suisse

Blague à part, cette toute dernière réalisation des frères Larrieu prend finalement l’affiche au Québec après sa sortie française en janvier. Et, je vous en conjure, il faut profiter illico de cette chance unique de voir en salle ce long métrage hitchcockien doté d’un humour noir ravageur et d’images tout à fait magnifiques. Avec ce film, les frères Larrieu (Peindre ou faire l’amour) adapte Philippe Djian et son roman Incidences dans un décor de rêve situé à Lausanne, une ville ceinturée des Alpes suisses, bordée par le lac Léman et magnifiée par la présence sur ses terres du Rolex Learning Center, véritable chef-d’œuvre d’architecture contemporaine.

 

La distribution, elle, est des plus séduisantes. Dans l’un de ses meilleurs rôles, Mathieu Amalric (vu récemment chez Polanski, La Vénus à la fourrure), est entouré de Karin Viard, Sara Forestier, Maïwenn et Denis Podalydès, tous prenant un malin plaisir à évoluer dans ce polar macabre, parfois déjanté, parfois tordu, et surtout enfumé puisque les protagonistes (surtout Marc, l’enseignant joué par Amalric) fument clope sur clope dans presque toutes les scènes. images

L’AMOUR EST UN CRIME PARFAIT aurait pu s’intituler Le Règne de la beauté tellement ses décors, naturels et architecturaux, nourrissent cette histoire singulière, celle d’un prof de littérature, séducteur invétéré, qui charme autant ses étudiantes qu’une belle-mère éplorée, mais dont le somnambulisme le mène à sa perte. Avec ce long métrage, les frères Larrieu n’inventent rien, certes. Mais ils maîtrisent avec un plaisir malicieux les codes du film noir, tournant des scènes aux dialogues brillants et des séquences à la fois surréalistes et amusantes tout en maintenant le suspense jusqu’à la toute fin. Bref, vous ai-je dit que ce film était pour moi ? Heureusement, j’accepte de le partager, en espérant que vous trouviez vous aussi ce film parfait.

Québec-France: un calendrier synchronisé ?

On déplore depuis longtemps le manque de synchronisation, entre la France et le Québec, pour la sortie en salle ici des films en provenance de l’Hexagone. Lorsqu’un long métrage français ou européen prend l’affiche en France, il faut souvent attendre de 4 à 6 mois avant que le distributeur québécois, possédant les droits du film en question, décide de le sortir sur grand écran. Certains titres arrivent même dans nos cinémas avec un an de retard depuis leur lancement officiel dans le cadre de festivals prestigieux se déroulant à Cannes, Berlin ou Venise. Et pour illustrer ce phénomène déplorable, nul besoin de revenir sur le célèbre et pathétique cas de Mesrine dont les deux volets, lancés en 2008, en France, sont arrivés au Québec, en 2010, avec presque deux ans de retard.

Des chicanes de producteurs, de distributeurs et de territoires sont souvent à l’origine du problème de décalage entre les dates de sorties d’un continent à l’autre. Les Américains négocient fréquemment des conditions de lancement pour l’ensemble de l’Amérique du Nord, des conditions auxquelles doivent aussi se plier les petits distributeurs478970 québécois. Pour nos voisins du Sud, sortir un film de François Ozon ou de Jacques Audiard 6 mois après la sortie française ne représente pas un danger pour leur rentabilité de distribution surtout que ces films sont destinés à un réseau de salles alternatives surtout situées à New York et Los Angeles. Au Québec, le marché étant fragile et le téléchargement illégal de plus en plus utilisé, l’idée de sortir le film rapidement, voire en même temps que le reste de l’Europe, devient légitime et essentiel. Il faut profiter des échos médiatiques associée à une œuvre remarquée dans un festival, plébiscitée par les critiques étrangères ou encore connaissant un succès monstre aux guichets.

En jetant un coup d’œil aux projections de sorties en salle cet automne, la donne est peut-être en train de changer. Malgré quelques exceptions comme La Belle et la bête, ou le formidable film des frères Larrieu, L’Amour est un crime parfait, à l’affiche en octobre mais sortis voilà plus de 9 mois en France, plusieurs titres seront lancés en même temps des deux côtés de l’Atlantique. Ce sera le cas pour Tu veux ou tu veux pas, comédie mettant en vedette Sophie Marceau et Patrick Bruel (en salle ici avec seulement une semaine de décalage), pour The Search, du réalisateur de The Artist (prévu en novembre) et pour Mille fois bonne nuit, long métrage avec Juliette Binoche (qui sortirait au Québec, chose rare, avant sa sortie parisienne). Hippocrate avec Jacques Gamblin, 3 Coeurs avec Benoît Poelvoorde, Geronimo de Tony Gatlif  et Gemma Bovery avec Fabrice Luchini seront quant à eux lancés au Québec avec quelques semaines de retard seulement.

Cette stratégie de mise en marché, à mon sens, doit être encouragée et appliquée systématiquement afin de s’adapter au marché actuel qui s’abreuve à l’instantanéité de la consommation culturelle. L’ensemble des distributeurs et exploitants de salles du Québec qui ont à cœur le cinéma étranger devraient impérativement sortir les films une fois leur vie en festival terminée afin de profiter au maximum du « buzz » comme on dit si bien au Québec. Car si Yvon Deschamps remontait sur scène avec un monologue s’attardant à la consommation de films en 2014, il nous dirait sûrement : « On veut pas le savoir que le film existe, on veut le vouère! »

 

Cinéma, amitiés et autres consolations

Vendredi 26 septembre, Mommy obtient toujours un très beau succès en salle et c’est tant mieux. Pendant ce temps, à l’ombre du plus récent film de Xavier Dolan, deux autres longs métrages québécois prennent l’affiche sans faire trop de bruit. L’un, 2 temps 3 mouvements, coproduit avec la France, a été tourné en partie dans Vanier, à Québec. L’autre, Qu’est-ce qu’on fait ici?, est le troisième long métrage de la réalisatrice Julie Hivon après Crème glacée, chocolat et autres consolations et Tromper le silence.films5312-QQFI_Affiche

Jointe au téléphone cette semaine, dans le cadre de la promotion entourant la sortie « discrète » de son nouveau film, la cinéaste espère que Qu’est qu’on fait ici? trouvera son public à travers la pléthore de sorties cinématographiques prévues cet automne, soulignant du même coup qu’un long métrage a aussi une vie en dehors du circuit des salles. Bien qu’habitant Montréal depuis des lustres, Julie Hivon désirait tourner dans sa ville d’origine, Granby, afin d’y filmer des lieux qu’elle aime (même l’inévitable Zoo), des endroits qui sont rattachés à sa jeunesse et ce troisième film lui permettait de le faire. Des scènes qui donnent une couleur particulière à son film ni rural ni urbain.

Bâti sur des souvenirs personnels, Qu’est-ce qu’on fait ici? tire son titre des réflexions et des sentiments qui habitent un groupe de copains dans la fin vingtaine, deux gars, deux filles, durement éprouvés par le décès accidentel du cinquième membre de leur bande. Ni sombre ni burlesque, le récit surfe sur les aléas du quotidien, la job, les sorties dans les bars, l’amour et l’amitié mis à l’épreuve autour de scènes parfois cocasses (les ex du défunt réunies aux funérailles), parfois tendres et désespérées (la quête effrénée d’amour du personnage de Roxanne).

À travers une distribution qui comprend Charles-Alexandre Dubé, Sophie Desmarais, Maxime Dumontier et Guylaine Tremblay, la nouvelle venue Joëlle Paré-Beaulieu se démarque particulièrement dans le rôle de Roxanne, une célibataire tomboy au physique rappelant celui de la chanteuse Lisa LeBlanc. « Joëlle joue un personnage difficile à caster. Je l’avais vue à l’impro et elle s’est avérée des plus étonnantes dans la peau de Roxanne, une fille vulnérable, qui cache sa féminité avec une énergie très masculine. » de préciser la réalisatrice.

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Julie Hivon, réalisatrice

Julie Hivon avait envie, comme pour son premier film, d’explorer les questionnements existentialistes d’une génération qui aujourd’hui n’est plus la sienne. Et elle l’a fait en utilisant dans son film, en fond sonore, une ballade nostalgique de Gordon Lightfoot qui détonne volontairement à la première écoute, mais qui, pour la réalisatrice, illustre en tout point cet univers forgé d’amitiés solides. Cet air de Lightfoot puisé dans ses souvenirs d’enfance lui fait dire que sa plus grande joie en voyant le film terminé sur grand écran, c’est d’avoir constaté la grande complicité qui s’est installée chez les quatre comédiens principaux. « Ce groupe d’amis m’apparaît crédible, ça se voit, ça se sent au grand écran, et c’était important pour moi qu’on ressente cette amitié comme étant véritable en visionnant mon film, c’est ce qui me rend heureuse ».

 

Limoilou, évidemment!

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Limoilou. Crédit photo : Guy Nadeau

Si un quartier de Québec semble avoir la cote, c’est bien celui de Limoilou. Nouveaux restaurants branchés, épicerie fine, fromagerie, École de cirque, cafés, boulangeries font de ce quartier un épicentre culturel et gastronomique de la ville de Québec. Ce n’est donc pas surprenant qu’un film dédié à ce coin de Québec voit le jour et mette en valeur ses rues, ses balcons, ses commerces et surtout sa faune peuplée de trentenaires dynamiques qui rappellent par leurs actions le Brooklyn effervescent des dernières années.

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Limoilou. Crédit photo : Guy Nadeau

Edgar Fritz, aussi barman au Bal du lézard (véritable institution de la 3e Avenue), réalise ce film qui porte simplement le titre de Limoilou. Joint au téléphone plus tôt cette semaine, le producteur du film, Nicolas Léger de Ciné-Scène, était emballé à l’idée de présenter Limoilou en avant-première le vendredi 19 septembre, à 21 h 30, au Cabaret du Capitole dans le cadre du Festival de cinéma de la Ville de Québec. Pour lui, ce quartier était une évidence comme choix car le réalisateur, aussi scénariste, y réside et y travaille, tout comme la majorité des comédiens, et, de plus, les lieux rappellent aux yeux du producteur l’énergie qu’on peut retrouver sur le Plateau-Mont-Royal. Côté budget, le film a été réalisé avec environ 175 000 $ tout en profitant de  commandites et de l’aide fournie par de nombreux partenaires dont Locations Michel Trudel, une valeur ajoutée gonflant les chiffres de production à tout près de  400 000 $. « Rien que de l’argent privé, aucune subvention », de préciser le producteur.

L’histoire au cœur de Limoilou est celle de ces résidents, de leurs histoires d’amour, inspirées par une génération Y en quête de repères. Misant sur des comédiens plus passionnés que formés par la profession, le long métrage met en vedette certains visages connus du milieu culturel du centre-ville de la capitale dont Jean-Sébastien Grondin (Johnny Rottweiler), animateur à CKRL-FM, et Cristina Moscini, instigatrice des spectacles de la troupe Burlestacular. Autour d’eux se greffent de 40 à 50 figurants qui se sont prêtés à l’exercice en jouant leurs propres rôles. Après sa présentation vendredi, Ciné-Scène, agissant aussi à titre de distributeur, travaillera à la sortie officielle en salle à Québec prévue pour le début de l’hiver et à une éventuelle sortie à Montréal par la suite.

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Limoilou. Crédit photo : Guy Nadeau

 

Quand on demande à Nicolas Léger ce qu’il retient du tournage du film, d’emblée il répond ceci : « Pour moi, le réalisateur a fait un travail phénoménal pour rassembler une communauté, j’ai vu des gens s’investir dans ce projet, se regrouper par dizaines dans des scènes qui normalement auraient coûté une fortune, et juste pour ça je peux dire que c’est un film vraiment rassembleur ». Limoilou le film pique assurément la curiosité et démontre devant la caméra le caractère stimulant de ceux qui résident dans ce quartier et derrière le caractère fonceur de celui d’une bande de passionnés qui avec peu de sous foncent tête première dans le septième art!

 

***Projets : Ciné-Scène prépare une série télé en collaboration avec MAtv. Elle portera sur Roland Lachance, célèbre photographe de Québec qui, au fil des 50 dernières années, a immortalisé sur pellicule toutes les vedettes du show business québécois. Aussi, après L’Effet et Limoilou, un troisième film est en préparation. Intitulé La Urne, il est scénarisé par la comédienne Catherine Allard qui jouait le rôle principal dans le film L’Effet.